Le coronavirus et les marchés publics

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Les mesures d'envergure qui ont été prises et ses effets pour limiter la propagation du coronavirus pourraient être considérées comme des "circonstances imprévisibles" au sens de la législation sur les marchés publics si le marché est menacé ou compromis. Cela ne s'applique que dans la mesure où ces circonstances n'étaient pas raisonnablement prévisibles au moment de l'attribution du marché public en question (par l’adjudicateur) et au moment de la présentation de l'offre (par l’adjudicataire).

L'arrêté royal portant les modalités générales d'exécution des marchés publics (ci-après "AR Exécution") prévoit différents mécanismes en cas de "circonstances imprévisibles" lors de l'exécution d'un marché public, tant du côté de l’adjudicateur que du côté de l’adjudicataire.

Ces circonstances peuvent donner lieu à une modification du contrat (comme, par exemple, une prolongation de la durée), ou à sa résiliation.

Nous expliquons ces deux possibilités ci-dessous.

1. La modification d'un marché public

Il y a modification d'un marché public lorsque ses conditions contractuelles sont modifiées en cours de contrat.

C'est également le cas lorsque, à la suite de circonstances imprévisibles, l'exécution, le délai d'exécution ou le prix, et en cas de dommages et intérêts ou toute autre forme de révision du contrat sont nécessaires.

Nous pouvons raisonnablement nous attendre à ce que les mesures gouvernementales drastiques dans le cadre du coronavirus soient dans ce contexte-ci considérées comme une circonstance raisonnablement imprévisible, que ni l'adjudicateur ni l’adjudicataire n'auraient pu prévoir.

Le gouvernement fédéral a déjà en ce sens déclaré ce 17 mars 2020 ne pas vouloir imposer de pénalités ou d'amendes aux adjudicataires des marchés publics fédéraux si l’adjudicataire peut démontrer que le retard ou la non-exécution du marché est causé par les mesures ou les effets engendrés pour la lutte contre coronavirus. Cette mesure concerne pour le moment les marchés publics fédéraux et il n’est pas improbable qu’elle soit dans l’avenir élargie vers d’autres autorités publiques.

A la suite d’une modification d’un contrat, ce n'est que dans un nombre limité de cas définis (que nous expliquerons plus loin) qu'une nouvelle procédure d'attribution n'est pas requise. Dans d'autres cas cependant, une nouvelle procédure d'attribution sera nécessaire.

Il faut faire ici une distinction selon que des circonstances imprévues surviennent du côté de l’adjudicateur ou du côté de l’adjudicataire.

1.1 Circonstances imprévisibles venant de l’adjudicateur

Une modification peut être apportée sans nouvelle procédure d'attribution si toutes les conditions suivantes sont remplies :

  1. la modification est la conséquence nécessaire de circonstances imprévisibles qu'un adjudicateur prudent n'aurait pas pu prévoir ;
  2. la modification ne modifie pas la nature générale du contrat ou de l'accord-cadre ;
  3. l'augmentation de prix résultant d'une modification ne dépasse pas 50 % de la valeur du contrat ou de l'accord-cadre initial.

Si plusieurs modifications successives sont apportées, cette limitation s'applique à la valeur de chaque modification individuelle. Toutefois, cela ne doit pas aboutir à un nombre effréné de modifications successifs contournant la législation sur les marchés publics.

Les adjudicateurs doivent également tenir compte du seuil à partir duquel un avis doit être publié au Journal officiel de l'Union européenne et au Bulletin des adjudications. Ils sont tenus de le faire lorsque la valeur estimée d'une modification due à des circonstances imprévisibles atteint le seuil de publication européenne.

1.2 Circonstances imprévisibles dans le chef de l’adjudicataire

Contrairement à ce qui précède, l’adjudicateur est tenu d'inclure une clause de révision dans l'offre qui règle les modalités de révision en cas de circonstances imprévisibles de la part de l'adjudicataire.

L’adjudicataire ne peut invoquer la clause de révision que s'il peut prouver que la révision est devenue nécessaire en raison de circonstances qu'il ne pouvait raisonnablement pas prévoir lors de la présentation de son offre.

Sur la base de la clause de révision, l’adjudicataire peut opter pour l'une des solutions suivantes :

  1. la prolongation du délai d'exécution,
  2. l'indemnisation en cas de perte très importante, ou
  3. la cessation de la mission.

Le seuil du préjudice très important est atteint si le préjudice s'élève à 2,5 % de la valeur initiale du contrat. 

L’AR Exécution prévoit toutefois une option de repli dans le cas où le cahier des charges ne contient pas de clause de révision. Dans ce cas, le noyau dur de la réglementation décrite ci-dessus s'applique de plein droit.

Afin de pouvoir invoquer les possibilités de révision, l’adjudicataire doit respecter un certain nombre de formalités écrites dans des délais impartis.

Outre les possibilités de modification spécifiques mentionnées ci-dessus, l’AR Exécution contient également d'autres possibilités de modification qui peuvent être invoquées dans le cadre de la crise du coronavirus, en particulier dans le cas de modifications qui entraînent une modification mineure de la valeur du contrat (c'est-à-dire la règle de minimis), la modification non substantielle ou la révision du prix. Cela présuppose bien sûr que les conditions du cas en question soient remplies.

2. Résiliation du contrat par l’adjudicateur

Si, à la suite de circonstances imprévisibles, un marché public doit être modifié, mais que cette modification ne peut être intégrée dans l'une des possibilités de modification prévues dans l’AR Exécution (par exemple, en cas d'augmentation de prix supérieure à 50%, voir point 1 ci-dessus), l’adjudicateur peut résilier le contrat. Dans ce cas, le contrat sera réglé dans l'état où il se trouve sur la base des services exécutés à la date de résiliation.

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Koen de Puydt

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Aline Heyrman

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