Carnet de route concernant les fusions et acquisitions en Belgique (2° partie)

Le « Due Diligence » (juridique) et le contrat de vente et d'achat

Analyse

Une fois que les accords précontractuels visés dans la 1ère partie de notre Carnet de route concernant les fusions et acquisitions, ont été exécutés, l'étape suivante de la route à suivre dans le cadre d'une opération de fusions et d'acquisitions privée, sera la 'due diligence' et le contrat de vente et d'achat.

I. « Due Diligence »

Dans le cadre d'une transaction M&A, une « due diligence » juridique  de la société cible sera effectuée par les acheteurs potentiels et leurs conseillers.  

Outre l'examen juridique du « Due Diligence », et en fonction des circonstances dans le cas spécifique, des 'due diligences' comptables, financiers, opérationnels et commerciaux de la société cible seront également effectués par les acheteurs potentiels et leurs conseillers. 

Si l'entreprise cible est impliquée dans des affaires écologiquement sensible, il est d'usage qu'un acheteur potentiel implique des consultants spécialisés dans l'environnement pour effectuer un 'due diligence' environnemental. 

L'examen du « Due Diligence » est effectué sur base d'une data room assemblée par le vendeur avec l'aide de ses avocats. Cette data room peut être complétée de temps en temps par des documents réclamés par les avocats de l'acheteur. Pendant la durée du 'due diligence', les acheteurs et leurs conseillers soumettent des questions à la société cible. 

La data room peut toujours être constituée de documents physiques mais de nos jours, elles sont en pratique virtuelles. Bien entendu, dans de grands processus de ventes en enchères contrôlées, avec plus d'un acheteur potentiel, situé ou non dans différents pays, les data rooms virtuelles sont beaucoup plus efficaces pour gérer un 'due diligence'.

Certains renseignements sur une société cible belge sont rendus publics, tels que les dossiers judiciaires (y compris le dossier de la société détenu par le greffe du tribunal de commerce compétent). Il s'agit encore des informations financières contenues dans les comptes annuels déposés auprès de la banque Nationale (NBB), les hypothèques et les inscriptions juridiques mentionnés dans les attestations délivrées par le conservateur des hypothèques, etc. et peuvent être sollicités auprès de diverses sources publiques et auprès d'un grand nombre d'autorités belges. 

De telles informations peuvent être utiles dans une « Due Diligence » préalable, avant que la salle des données ne soit accessible. Veuillez noter que les informations sur les participations dans une société cible belge ne sont pas rendues publiques, c'est toutefois le cas dans certains de nos pays voisins.  

Après l'examen du 'due diligence' juridique, les avocats de l'acquéreur potentiel fourniront à leur client un rapport de 'due diligence' présentant les conclusions prises au cours de l'examen.  

Un rapport de 'due diligence' peut couvrir, par exemple, à l'égard de la société visée :

Généralités concernant la société Administration Procédures - Litiges Taxes
Conventions Assurance Passifs et actifs Emploi, retraite et plan d'intéressement
Propriété intellectuelle et IT Bien immobiliers Conventions de prêt et dispositions financières Consentements et permis
Concurrence et autres aspects de conformité Environnement Technologie en vie privée  

 

Les risques identifieés lors du processus de 'due diligence' peuvent être traités par des dispositions du contrat de vente et d'achat  (par exemple des indemnités ou une réduction du prix d'achat). Dans certains cas, les constatations critiques au cours du processus du 'due diligence' peuvent même constituer des "raisons de rupture d'accord" et amener l'acheteur potentiel à se retirer des négociations.

II. Contrat de vente et d'achat

Une fois que le vendeur et l'acheteur terminent leurs négociations, ils concluent un contrat de vente et d'achat d'actions prévoyant la vente et l'achat des actions de la société cible. 

Ci-dessous vous trouverez certaines dispositions de la convention de vente et d'achat d'actions typiquement belge (la majorité des dispositions sont également incluses en cas de vente et d'achat d'actifs et de passifs).

1. Un mécanisme de prix d'achat et transfert d'actions 

Les questions centrales à régir dans le contrat de vente et d'achat sont le prix d'achat et le transfert d'actions dans la transaction.  

Les parties concernées peuvent simplement opter pour le paiement intégral du prix final d'achat, au closing, sous forme d'une contrepartie en espèces ou par exemple d'un échange d'actions.  

Toutefois, un mécanisme couramment utilisé pour établir le prix d'achat final est l'utilisation d'une clause d'"ajustement de prix" ("completion accounts"). En vertu d'une telle disposition, le prix d'achat préliminaire payé à la signature - par exemple basé sur un EBITDA corrigé, ou sur la position de la dette nette estimée de la société cible et le fonds de roulement estimé à la date du closing – est alors rapproché de l'EBITDA réel corrigé et/ou de la position de la dette réelle de la société cible et de son fonds de roulement réel au closing. 

D'autres critères de mesure sont aussi souvent utilisés pour fixer le prix d'achat.  

Une alternative de plus en plus utilisée est le modèle “locked-box”, où le prix d'achat est fixé à partir d'une certaine date (basée sur un bilan établi à une date convenue) et calculant des intérêts à partir de cette date jusqu'au closing, mais le prix d'achat étant sujet à ajustement pour des « fuites » non autorisées, par example des dividendes, des primes pour les cadres, le rachat ou l'achat d'actions ou des paiements de passifs au bénéfice du vendeur, éventuellement corrigés avec des convenues (par exemple un montant convenu de dividende accordé aux actionnaires vendeurs ou un bonus payé au managers). 

Le paiement conditionnel en fonction des résultats de la société cible, comme l''earn-out', est parfois vu dans des transactions, par exemple lorsque le vendeur ou le management de la société cible restera dans l'entreprise, dont il conserve ou non une participation.  

De nombreuses autres options existent pour réguler le prix d'achat (ajustements) et le paiement qui peuvent être utilisées dans le contrat de vente et d'achat en fonction des circonstances de l'opération en question. 

2. Déclarations et garanties

Des déclarations et des garanties couvrent en général une variété de sujet comprenant une variété de sujets comprenant les questions de droit des sociétés (comme la constitution et la propriété des actions), des questions opérationnelles (l'emploi, la propriété intellectuelle, les relations avec les consommateurs et fournisseurs, la conformité avec les règlementations et autres, les questions financières, la qualité des actifs vendus, le cas échéant, et les impôts, dans chaque cas traitant des principes généraux  et des questions spécifiques identifiées au cours du 'due diligence'. 

Toutefois, les risques spécifiques identifiés par l'acheteur au cours du processus de 'due diligence' ne sont pas réflétés dans les déclarations et garanties. Ces risques sont par contre gérés à titre d'indemnités spécifiques.  

Les conventions de vente et d'achat belges excluent parfois les recours prévus par la loi, et prévoient alors d'autres recours spécifiques comme seul recours disponible pour l'acheteur. En principe, la responsabilité du vendeur pour les indemnités spécifiques n'est pas limitée aux garanties du vendeur, ni par la connaissance de l'acheteur du fait qu'il y ait un problème dans la société cible. 

3. La responsabilité du vendeur

Sur le marché belge les périodes de garanties sont en général de 12 à 24 mois. 

Toutefois, en ce qui concerne des domaines spécifiques comme la fiscalité ou l'environnement, des délais considérablement plus longs s'appliquent. 

Des réclamations dans le cadre des garanties fiscales sont en moyenne autorisées à être initiées un certain nombre de jours (p.e. 90) après la date à laquelle le droit des autorités fiscales ou de toute autre autorité compétente d'évaluer ou de réclamer des taxes ou cotisations de sécurité sociales en ce qui concerne des questions donnant lieu à une telle réclamation est forclos par toutes les règles applicables de prescription.  

Les périodes de garantie dans le cadre de l'environnement sont généralement de 5 à 10 à compter du closing.  

En ce qui concerne les seuils de garanties - « caps » and « baskets » – l'acheteur doit être en mesure de demander une indemnisation auprès du vendeur pour un manquement en vertu des garanties et ce manquement doit satisfaire à un seuil ou un montant spécifié. Des manquements qui ne peuvent être réclamés individuellement peuvent être cumulés et, si les manquements cumulés atteignent le seuil, l'acheteur peut réclamer ce manquement global. Une alternative plus favorable pour le vendeur est bien-sûr que les revendications en dessous du seuil soient déduites de la revendication même. Il y a également souvent une limitation selon laquelle chaque manquement mineur qui doit être pris en compte doit lui-même atteindre un certain seuil (sous le nom “de minimis”). Un manquement au-dessus des seuils est compensé sur une base euro-pour-euro  et est limité par un certain montant maximum, plafonnée à un montant la plupart du temps égal au prix d'achat ou à un montant inférieur spécifié.  

La convention de vente et d'achat incluent souvent des dispositions précisant que l'acheteur ne peut pas engager des revendications en vertu des garanties sur base de circonstances qui étaient (ou devaient être raisonnablement ) connues par l'acheteur avant que la convention soit signée, et ce compris l'information divulguée à l'acheteur par le vendeur. 

4. La responsabilité de l'acheteur

Les déclarations et garanties faites par l'acheteur sont en général très limitées, s'il y en a. La portée de ces déclarations et garanties est en général limitée à l'existence de l'entreprise, l'autorité et les approbations nécessaires pour la conclusion du contrat de vente et d'achat.

5. Des conditions suspensives

Les conditions suspensives concernent des conditions à remplir avant le closing d'une transaction dans des situations où le moment de la signature diffère de celui du closing de la transaction. 
Des conditions suspensives utilisées habituellement sont notamment que la transaction soit approuvée par exemple par l'autorité de la concurrence compétente ou par les autorités de surveillance financière et qu'aucun changement défavorable important affectant la société cible ne se produise entre la signature et le closing (les clauses-MAC»).

6. Les clauses de non-concurrence

Les clauses de non-concurrence sont généralement incluses dans le contrat de vente et d’achat dans une section spécifique ou dans le cadre des engagements du vendeur.

Le vendeur accepte que ni le vendeur ni l'une de ses filiales ne fasse, directement ou indirectement, des affaires ou aient un intérêt dans une entreprise exerçant des activités dans une zone géographique spécifiée qui est en concurrence directe avec l'activité de la société cible.

La période d’un tel engagement de non-concurrence est de 2 à 3 ans en moyenne, mais cela dépend du secteur spécifique.

La clause de non-concurrence est habituellement associée à des clauses de non-sollicitation qui interdisent à l'acheteur et à ses filiales de démarcher ou de persuader des employés qui quittent la société cible pour un emploi auprès de l'acheteur ou de ses filiales. Du point de vue de l'acheteur, il est souhaitable d'inclure un recours à une indemnité forfaitaire (à savoir un montant minimum fixe) en cas de violation de la clause de non-concurrence, pour ajouter un effet de report à l'engagement du vendeur. Une telle disposition élimine également le problème de devoir prouver les dommages réels causés à l'acheteur et à la société cible par la violation du vendeur de l'engagement de non-concurrence.

7. Les clauses de confidentialité

Tant le vendeur que l'acheteur acceptent en général de ne pas divulguer le contenu de la convention de vente et d'achat, ainsi que toutes les informations fournies à cet égard. 

D’un point de vue purement belge, l'information qui est normalement exclue d’un tel engagement est:

  • L'information connue du grand public ;
  • Les renseignements qui doivent être divulgués en vertu de la loi ou de tout autre règlement applicable ou qui sont nécessaires aux fins de toute procédure judiciaire ou d'arbitrage découlant ou en relation avec la convention de vente et d'achat ;
  • Les informations qui doivent être communiquées à des conseillers professionnels ou financiers ;
  • Toute divulgation d’information pour laquelle la partie concernée a donné son consentement. 

En outre, les deux parties souhaitent souvent contrôler la divulgation publique de la transaction, ce qui n'est pas couvert par des clauses de confidentialité dans le contrat de vente et d'achat. Par conséquent, une réglementation spécifique en ce qui concerne les communiqués de presse, l'information aux employés, etc. peut devoir être incluse dans l'accord.

8. Règlement des litiges

Quand une entreprise cible belge est vendue, la loi applicable est habituellement la loi belge.

Pour les litiges en rapport avec la convention de vente et d'achat, il est convenu, dans la grande majorité des transactions belges, de les régler de manière définitive par arbitrage.

Plus de chapitres à venir ...

Le prochain chapitre de notre carnet de route M&A se rapportera, entre autres, à la bonne exécution de l'accord, au closing et aux actions post-closing. Ce chapitre sera publié sur notre site Web et dans notre prochain bulletin.

 

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Alain De Jonge

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Leo Peeters

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