Analyse

Une nouvelle loi a récemment été publiée, contenant plusieurs dispositions supplémentaires visant la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l'utilisation des espèces.

Cette nouvelle loi du 20 juillet 2020 est une transposition partielle de la directive européenne 2018/843 du 30 mars 2018. Elle modifie principalement la loi du 18 septembre 2017 portant sur le blanchiment de capitaux.

Quels sont les changements les plus importants ?

1. D'autres entités seront soumises à la législation anti-blanchiment

Il s’agit notamment des :

  • Prestataires des services d’échange entre monnaies virtuelles et monnaies légales, et des prestataires des services de portefeuilles de conservation. Plus précisément, il s'agit d'entités offrant des services de sécurisation de clés cryptographiques privées, de détention, de stockage et de transfert de devises virtuelles. Ces entités doivent s'enregistrer auprès de l'Autorité des Services et Marchés financiers (FSMA) et sont désormais soumises à sa surveillance.
  • Les personnes physiques et morales, en ce compris les galeries d’art, les maisons de vente aux enchères et les organisateurs de foires et salons, qui achètent, vendent ou agissent en qualité d’intermédiaires dans le commerce d’oeuvres d’art ou de biens meubles de plus de 50 ans, lorsque le prix de mise en vente d’un ou d’un ensemble de ces oeuvres ou biens, est d’un montant égal ou supérieur à 10 000 euros. Ils doivent être inscrits auprès du SPF Economie, PME, Classes moyennes et Energie.
  • Les personnes physiques et morales qui possèdent ou gèrent des entrepôts, y compris les entrepôts douaniers ou situés dans des ports francs, qui offrent spécifiquement un service d’entreposage d’oeuvres d’art ou de biens meubles de plus de 50 ans. Ils sont également tenu de s’inscrire auprès du SPF Economie, PME, Classes moyennes et Energie.
  • Les clubs de football professionnels de haut niveau, les agents psortifs dans le secteur du football, l’ASBL Union royale belde des sociétés de fotball-association.

La loi prévoit également des adaptations pour les autres entités soumises, comme les  professions de comptable et de conseil en matière fiscale.


2. La limite des cartes prépayées est descendue

La limite de stockage des cartes prépayées sera abaissée de 250 euros à 150 euros par mois.

Les émetteurs de monnaie électronique sont tenu de procéder à l’identification et à la vérification de l’identité de toute personne en cas de remboursement en espèces de la valeur monétaire de la monnaie électronique ou en cas de paiement en ligne lorsque le montant de la transaction dépasse 50 euros au lieu de 100 euros auparavant. 

3. Une liste de fonctions publiques importantes

Tous les Etats membres de l’UE, y compris notre pays, sont tenus d’établir une liste des fonctions publiques importantes. Ils doivent également demander aux organisations internationales accréditées sur le territoire belge d’établir et de tenir à jour une liste des fonctions publiques importantes.

Ces listes doivent être transmises à la Commission européenne, qui les rendra publiques.

La liste des fonctions publiques importantes en Belgique est annexée à la loi.

La loi prévoit que les entités assujetties sont tenues de mettre en œuvre des systèmes et des procédures adéquats de gestion des risques pour déterminer si un client avec lequel elles entrent ou sont en relation d'affaires ou pour lequel elles effectuent une opération occasionnelle, un mandataire du client ou un bénéficiaire effectif du client est ou est devenu une personne politiquement exposée, un membre de la famille d'une personne politiquement exposée ou une personne connue pour être étroitement associée à une personne politiquement exposée.

Lorsqu'ils constatent qu'un client se trouve dans cette situation, ils doivent prendre des mesures de vigilance accrue qui consistent à :

1° obtenir l'autorisation d’un membre d’un niveau élevé de la hiérarchie de nouer ou de maintenir  une relation d'affaires avec ces personnes ou d’effectuer une opération occasionnelle pour ces personnes ;

2° prendre les mesures appropriées pour déterminer l'origine du patrimoine et des fonds impliqués dans les relations d'affaires ou les opérations avec ces personnes ;

3° exercer une surveillance accrue de la relation d'affaires.

4. La loi harmonise les obligations de vigilance accrue 

La loi prévoit également une liste d’obligations de vigilance accrue que les entités concernées sont tenues d’appliquer lorsqu'elles nouent des relations d'affaires ou effectuent des opérations occasionnelles avec des personnes physiques ou morales ou avec des constructions juridiques, telles que des trusts ou des fiducies, impliquant un pays tiers à haut risque.

Dans ce cas, ils doivent

  • obtenir des informations supplémentaires sur le client et le(s) bénéficiaire(s) effectif(s), sur la nature envisageé de la relation d'affaires, sur l'origine des fonds et l’origine de la patrimoine du client et du(des) bénéficiaire(s) effectif(s), sur les raisons des opérations envisagées ou effectuées ;
  • obtenir l'autorisation  d’un membre d’un niveau élevé de la hiérarchie de nouer ou de maintenir  une relation d'affaires une relation d'affaires ;
  • mettre en oeuvre un contrôle renforcé de la relation d'affaires en augmentant le nombre et la fréquence des contrôles effectués et en déterminant des schémas de transaction qui nécessitent un examen plus approfondi ;
  • veiller, le cas échéant, à ce que le premier paiement soit effectué par l’intermédiaire d'un compte ouvert au nom du client auprès d'un établissement de crédit soumis à des normes de vigilance à l'égard de la clientèle qui ne sont pas moins strictes que celles prévues par la présente loi.

5. La protection des données à caractère personnel par la loi anti-blanchiment

Depuis le 1er juillet 2020, la loi anti-blanchiment renforce les règles relatives au traitement des données à caractère personnel.

Le traitement des données à caractère personnel, effectué dans le cadre de la loi anti-blanchiment par les assujettis à la loi et par les autorités de contrôle, est soumis aux dispositions du RGPD.

Le traitement de ces données dans le cadre loi anti-blanchiment est licite car il constitue une mesure nécessaire à l'exécution d'une mission d'intérêt public et est fondé et rendu nécessaire afin de respecter les obligations légales auxquelles les entités assujetties et les autorités de contrôle sont tenues en vertu de la loi anti-blanchiment.

Comme vous le savez déjà, les entités soumises et les autorités de contrôle sont tenues de faire une communication à la Cellule de renseignement financier (« CTIF ») lorsqu'elles savent, soupçonnent ou ont des motifs raisonnables de soupçonner que des fonds et des opérations (ou tentatives d'opérations) sont liés au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme.

Toutefois, ils ont parallèle l'interdiction de révéler aux personnes au sujet desquelles ils traitent des données à caractère personnel, qui ont fait l'objet d'une communication à la CTIF. Cela restreint les droits dont ces personnes disposent normalement en vertu de la loi sur la protection de la vie privée, tels que le droit à la transparence des informations, le droit d'accès, le droit de rectification ou d'effacement, etc.

Cependant, les entités soumises doivent informer leurs nouveaux clients, avant d’établir une relation d'affaires ou d'exécuter une opération à titre occasionnel, de leurs obligations imposées en vertu tant de la loi anti-blanchiment que du RGPD.

6. La Cour constitutionnelle confirme le secret professionnel de l'avocat

Dans ce cadre, il est important de signaler que la Cour constitutionnelle a annulé partiellement la loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces.

Un avocat ne peut pas être obligé de transmettre à la Cellule de traitement des informations financières (CTIF) une déclaration de soupçons lorsque son client, sur son conseil, renonce à une opération suspecte.

Il ne peut pas non plus être permis à un tiers à la relation de confiance entre l’avocat et son client, fût-il avocat, de communiquer à la CTIF des informations couvertes par le secret professionnel. 

7. La coopération entre les autorités compétentes des Etats membres est améliorée

La directive prévoit des mesures visant à faciliter et à promouvoir une coopération et une coordination efficaces entre les différentes autorités de contrôle nationales et internationales. Ces mesures seront mises en œuvre dans le cadre de la nouvelle loi anti-blanchiment.

8. Conclusion

Cette loi a été élaborée afin de transposer la directive européenne 2018/843 du 30 mai 2018 et en cela, elle est arrivée bien trop tard.

La loi est entrée en vigueur le 15 août 2020, à l'exception des dispositions relatives au football et aux cartes prépayées.

Les restrictions relatives aux cartes prépayées sont entrées en vigueur le 10 juillet 2020.

Les dispositions concernant les clubs de football professionnels et l'ASBL Union Royale belge de football entrera en vigueur le 1er juillet 2021. Le Roi peut reporter son entrée en vigueur de 6 mois si un règlement, une directive ou un acte européen nécessite une adaptation des dispositions concernées.

Pour les agents sportifs dans le secteur du football, nous attendons un arrêté royal fixant la date d'entrée en vigueur après la conclusion d'un accord de coopération avec les régions concernées.

Pour l'instant, nous sommes dans l’attente d’arrêtés d’exécution précisant un certain nombre d'aspects. Par exemple, l'obligation d'enregistrement des prestataires de services d’échange entre devises virtuelles et fiduciaires, des fournisseurs de portefeuilles de conservation des vendeurs d’oeuvres d'art.

Nous vous en tiendrons informés de l’évolution de la situation.

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Leo Peeters

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Koen de Puydt

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