Reconstruction et démolition à nouveau possibles moyennant une majorité de 4/5ème

Analyse

Une majorité des 4/5ème des voix suffit à nouveau pour que l’assemblée des copropriétaires (ACP) décide de la reconstruction et démolition d’un immeuble.

Au début de cette année, la Cour Constitutionnelle avait annulé la possibilité pour une ACP de décider à la majorité des 4/5ème d’une reconstruction ou d’une démolition d’un immeuble détenu en copropriété.

Mais le législateur est tout de même récemment parvenu à trouver une solution à cette situation. Vous trouverez ci-dessous ce que cela implique pour les ACP d'un immeuble qui doit être démoli ou reconstruit. 

1. Qu'avait décidé la Cour constitutionnelle ?

Dans un article précédent, nous vous avons déjà informé que la Cour constitutionnelle avait annulé la règlementation introduisant la majorité des 4/5ème des voix pour une démolition et reconstruction.

La Cour constitutionnelle a estimé que la loi n'offrait pas de garanties suffisantes au(x) copropriétaire(s) qui s'opposent à une décision de démolir et de reconstruire un immeuble, et qui ont donc été préjudiciés par la décision de l’ACP.

Selon la Cour constitutionnelle, il fallait trouver un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt public et la protection du droit à la jouissance paisible du bien. 

L'ancien (et annulé) règlement constituait une amélioration majeure, ce que la Cour constitutionnelle n'a pas nié. La Cour était consciente qu'un processus décisionnel plus fluide entre les copropriétaires aurait pour conséquence une rénovation plus rapide du parc immobilier vieilli et également une adaptation aux normes légales en matière d'hygiène et de sécurité.

En revanche, selon la Cour constitutionnelle, la nouvelle législation pourrait, en pratique, conduire un copropriétaire à n'avoir d'autre choix que de renoncer à son droit de propriété et il n'est pas inconcevable que ce dernier se sente désavantagé.

Dans ce cas, le copropriétaire lui-même devait saisir le juge de paix dans les quatre mois suivant la décision en question.

Par conséquent, la Cour constitutionnelle a suggéré qu'il serait préférable que les ACP soient légalement obligées de soumettre, de leur propre initiative, toute décision de ce type au juge de paix.


2. Comment le législateur a-t-il résolu ce problème ?

Afin de remédier à l'annulation par la Cour constitutionnelle, le législateur a prévu une adaptation des articles 577-7 et 577-9 du Code civil.

Qu'est-ce que cela signifie exactement ?

2.1 La possibilité d'une décision à la majorité des 4/5e est rétablie

Il est clair que la Cour n'a pas totalement écarté la possibilité de se prononcer moyennant la majorité des 4/5ème, mais a estimé qu'il était important de prévoir des garanties supplémentaires pour protéger les droits de propriété des copropriétaires.

Par conséquent, le législateur a de nouveau prévu la possibilité pour l'assemblée générale de décider à une majorité des 4/5ème de démolir et de reconstruire un immeuble, pour autant que cette démolition et reconstruction soit justifiée par des raisons d'hygiène ou de sécurité ou que le coût d'adaptation du bâtiment aux dispositions légales soit excessif.

Il en va de même pour la possibilité pour l'assemblée générale de décider à l'unanimité de tous les copropriétaires de la démolition et de la reconstruction complète de l'immeuble, même si les raisons d’une telle décision moyennant la majorité des 4/5ème (raisons d'hygiène ou de sécurité, ainsi que pour des raisons budgétaires) font défaut.

Cette disposition n’est donc pas nouvelle, par rapport aux anciens règlements annulés, qui ont simplement été rétablis.

2.2. Qu’y a-t-il de neuf?

2.2.1 L’ACP doit engager elle-même la procédure

Un premier changement important concerne la procédure. L'obligation d'engager la procédure incombe désormais à l'association des copropriétaires elle-même dans l’hypothèse où une décision de démolition et/ou de reconstruction est prise à la majorité des 4/5e sauf si la décision est prise à l'unanimité de tous ceux qui disposent du droit de vote à l'assemblée générale

C'est l’ACP qui doit s'adresser au juge de paix dans les quatre mois suivant la date de l'assemblée générale comprenant ladite décision.

La demande doit être dirigée contre tous les copropriétaires ayant le droit de vote à l'assemblée générale et qui n'ont pas approuvé la décision.

Le juge de paix devra alors apprécier si la décision de l'assemblée générale de l’ACP est légale et pourra nommer un expert pour donner son avis sur l'opportunité du montant de la compensation.

2.2.2 La procédure se fera entièrement aux frais de l'ACP.

Autre nouveauté : tous les frais et honoraires judiciaires et extrajudiciaires découlant de cette demande par l’ACP seront toujours à sa charge, sans aucune contribution des copropriétaires contre lesquels la demande est adressée.

3. Quelles sont les conséquences de la procédure ?

La conséquence de la procédure est que l'exécution de la décision de l'assemblée générale doit être suspendue jusqu'à ce qu’une décision judiciaire établissant la légalité de la décision de l'assemblée générale ne soit plus susceptible d’aucun recours (opposition ou appel).

Tant que la procédure est pendante, l’ACP ne sera pas en mesure d’exécuter sa décision et les plans de démolition et de reconstruction devront être reportés.

4. Conclusion

Cette modification est certes positive dans la mesure où elle offre davantage de garanties quant au respect des droits individuels de propriétés de certains copropriétaires.

Mais d'autre part, les plans de construction de l'ACP seront bloqués jusqu'à l’issue de la procédure judiciaire en question, ce qui peut parfois prendre beaucoup de temps. En attendant, l'APC sera encore tenue d'engager des frais de réparation notamment si la qualité de vie et/ou d'hygiène est compromise. 
Néanmoins, vu l'intention de procéder à la démolition à l'issue de la procédure, ces réparations provisoires constitueront une véritable perte, si le juge confirme la décision de l'APC. 

La question reste finalement ouverte de savoir ce qu’il advient des décisions de démolition et de reconstruction qui ont été prises avant l'adaptation législative des articles de loi en question.

Si vous avez des questions à ce sujet ou si vous souhaitez être assisté dans cette démarche, nous sommes à votre disposition (+32 (0)2 747 40 07 ou via info@seeds.law).

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