Nouvelle loi sur le blanchiment de capitaux et la prévention du terrorisme

Analyse Le 16 octobre 2017 est entrée en vigueur la loi sur le blanchiment de capitaux et la prévention du terrorism.

Dans un article précédent, nous avons abordé l’introduction du registre UBO en droit belge par la loi du 18 septembre 2017. Cette loi contient en outre de nombreuses modifications essentielles par rapport à la loi du 11 janvier 1993 qu’elle abroge. Nous les présentons brièvement dans cet article.

La loi « relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces », publiée au Moniteur Belge du 6 octobre 2017 et entrée en vigueur le 16 octobre 2017, assure la transposition de la Directive (UE) 2015/849 du 20 mai 2015 et s’inspire des développements importants au niveau européen et international, notamment des recommandations du Groupe d’action financière internationale (GAFI).

1. Champs d’application

Le champ d’application de la nouvelle loi a été élargi de plusieurs manières.

33 entités assujetties, agissant dans l'exercice de leur activité professionnelle, sont visées par la loi. On retrouve entre autres dans cette liste la BNB, les établissements de crédit, la caisse des dépôts et consignations, les organismes de liquidation, les plateformes de financement alternatif (crowdfunding), les courtiers en services bancaires et d'investissement, les planificateurs financiers indépendant, les entreprises d’assurance, les notaires, les huissiers de justice et les avocats,…

Parmi ces entités, une catégorie résiduelle a été créée en vue de couvrir des professionnels du secteur financier dont les activités ne sont pas encore réglementées mais pourraient l’être à l’avenir.

Par arrêté royal peuvent être exempté de l'application de toute ou une partie de cette loi les personnes qui exercent à titre occasionnel ou à une échelle très limitée une activité financière prévues par la loi. D'autre part, l'application de la loi peut être étendue par arrêté royal à des catégories non visées et dont les activités risquent d'être utilisées à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement de terrorisme.

Alors que seuls les casinos étaient visés par la loi du 11 janvier 1993, le champ d’application est élargi à tous les fournisseurs de jeux de hasard, en ce compris ceux proposant l’exploitation de jeux sur internet.

Les notions de « bénéficiaires effectifs » et de « personne politiquement exposée » ont été définies plus précisément. En vue de lutter contre la corruption, cette dernière notion inclut désormais les membres d’organes législatifs similaires aux parlements ; les membres des organes dirigeants des partis politiques ; les directeurs et directeurs adjoints et les membres du conseil d’une organisation internationale ou les personnes occupant une position équivalente en son sein.

Enfin, les stagiaires experts-comptables externes et conseils fiscaux externes sont désormais soumis aux obligations en matière de lutte contre le blanchiment.

2. L’approche fondée sur les risques

L’approche fondée sur les risques n’est pas nouvelle. Elle implique qu’il est attendu des personnes assujetties à la loi qu’elles effectuent une analyse et une évaluation préalable des risques de blanchiment. De cette manière, elles peuvent tantôt alléger les mesures à adopter dans des situations comportant peu de risques et tantôt renforcer les mesures lorsque la situation présente un risque élevé. En d’autres termes, il doit donc y avoir une proportionnalité entre la manière dont les entités assujetties à la loi exécutent leurs obligations légales et les risques qu’elles rencontrent en pratique.

La nouvelle loi concrétise et renforce la mise en œuvre de cette approche et la généralise à l’ensemble des obligations prévues par loi, notamment l’obligation de vigilance. Les annexes de la loi prévoient des listes de facteurs indicatifs d’un risque potentiellement plus élevés ou moins élevés.

Dans le cadre de l’évaluation des risques, la loi instaure une procédure en cascade pour l’identification et l’évaluation des risques de blanchiment et de financement du terrorisme. Cela implique grosso modo que les risques sont évalués au niveau européen par la Commission européenne, au niveau national par chaque Etat membre, et au niveau individuel par les entités assujetties à la loi.

3. Utilisation des espèces

Depuis le 1er janvier 2014, il était interdit d’effectuer des paiements en espèces dépassant 3.000 euros.

La loi a apporté quelques précisions et prévoit qu’un paiement ou un don ne peut être effectué ou reçu en cash au-delà de 3 000 euros, ou leur équivalent dans une autre devise, dans le cadre d'une opération ou d'un ensemble d'opérations qui semblent liées.

Cette limitation s’applique donc à tous les paiements, y compris les dons, faits à toute personne physique ou morale. Auparavant, seuls les paiements à des commerçants et des professionnels étaient visés. La nouvelle loi n’a en outre pas conservé la règle des 10% selon laquelle si la valeur de l’opération dépassait 3.000 euros, le montant maximum que le professionnel pouvait accepter correspondait à 10% du total, avec un maximum de 3.000 euros.

4. Autres nouveautés

Parmi les multiples nouveautés, il faut mentionner qu’un délai maximal de 10 ans après la fin de la relation d’affaires avec le client ou après la date de l’opération conclue à titre occasionnel est désormais prévu pour la conservation des données personnelles par l’entité assujettie.

La nouvelle loi est beaucoup plus sévère et prévoit diverses sanctions administratives pour les entités assujetties. Ainsi, les personnes morales pourront notamment être sanctionnées par une amende allant de 10.000 euros à maximum 10 % du chiffre d’affaires annuel net de l’exercice précédent, alors que les personnes physiques encourent une amende entre 5.000 et 5.000.000 euros en fonction des circonstances prévues par la loi.

Des sanctions pénales sont également prévues pour les personnes qui font obstacle aux inspections et vérifications des autorités de contrôle auxquelles elles sont tenues dans le pays ou à l'étranger ou qui refusent de donner des renseignements qu'elles sont tenues de fournir en vertu de la loi ou qui donnent sciemment des renseignements inexacts ou incomplets.

La collaboration entre les cellules de renseignement financier (CRF) et la Commission européenne est améliorée.

Par ailleurs, en vertu de la Directive, les pays tiers à haut risque devront être listés par la Commission européenne.

5. Conclusion

Si cette nouvelle loi ne révolutionne pas la matière, en dehors de l’instauration du registre UBO, elle apporte tout de même de nombreuses nouveautés en vue de prévenir le blanchiment et le financement du terrorisme. Les entités assujetties doivent rester particulièrement attentives à ces évolutions afin de respecter leurs obligations.

Il faut enfin noter que la loi devrait déjà connaître des modifications à l’avenir suite au dépôt d’une cinquième directive anti-blanchiment. En effet, le législateur doit déjà faire face à de nouveaux défis : les monnaies virtuelles et les cartes prépayées n’en sont qu’un aperçu.

En savoir plus sur ce sujet ?

Contactez nos experts ou appelez le n° +32 (0)2 747 40 07
Leo Peeters

Leo Peeters

Partner