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Depuis le 1er novembre 2022, les expulsions domiciliaires en Wallonie sont suspendues.

La région Wallonne entend ainsi éviter que des ménages précarisés par la hausse des prix de l’énergie ne le soient d’avantage en étant privés de logement.

1. Un sentiments de déjà-vu

1.1 Les mesures en bref

Un Décret récent prévoit une suspension temporaire de toute expulsion physique domiciliaire et l’exécution de toutes les décisions judiciaires et administratives ordonnant une expulsion de domicile et ce, jusqu’au 15 mars 2023 inclus.

La suspension des expulsions judiciaires est d’application immédiate et pourra être prolongée. Durant cette période, les forces de police sont chargées de veiller à l’interdiction des expulsions, au besoin par la contrainte ou la force.

Par exception, lorsque l’expulsion relève de raisons de sécurité́ ou de santé publique tel que le péril imminent ou la santé physique et mentale des occupants, le moratoire est écarté. Les expulsions pour cause de dégradations volontaires sont également exclues de la mesure de suspension.

1.2 Un provisoire qui dure ?

Comme l’attestent les travaux préparatoires, la Région Wallonne a opéré une pondération entre les intérêts des propriétaires et ceux des locataires faisant l’objet d’une mesure d’expulsion. Il est notamment parti du postulat que les premiers sont moins exposés aux risques de la hausse des prix de l’énergie que les seconds qui se trouvent dans une situation de précarité plus marquée. A ce titre, la mesure rejoint sans nulle doute la pratique de « trêve hivernale » applicable en matière de logements sociaux en Belgique ou en vigueur par-delà les frontières à l’instar de la France.

Arriérés d’exécutions conséquents, affaiblissement de la stabilité économique des propriétaires, restrictions des critères d’accès au marché de la location, la liste des répercussions est dorénavant bien connue.

Dès lors, l’intransigeance du Législateur Wallon pose question. Ignorer la situation de crise qui émerge du recours systématique à un moratoire sur les expulsions, c’est prendre le risque de voir le marché locatif se durcir, au détriment des plus précaires.

2. Faire ou ne pas faire, telle est la question

2.1 Les actions que le propriétaire peut prendre à l’épreuve du moratoire

A la lecture des travaux préparatoires, « il s'agit d'une suspension de l'exécution des décisions et non d'une annulation de ces décisions ». Les expulsions sont certes suspendues pendant ces quatre mois mais le propriétaire ne perd pas « son droit » d’expulser et le jugement obtenu reste valable.

En outre, l’interdiction ne vise pas les actes de procédures préalables à l’expulsion et les autres catégories d’exécution forcée. Rappelons tout d’abord qu’une exécution forcée est réalisée par un huissier de justice en vertu d’un titre exécutoire, le plus souvent un jugement.

Concrètement, le propriétaire d’un bien donné à la location et muni d’un titre exécutoire pourra toujours recouvrer les sommes dues. Seule l’expulsion des lieux loués sera reportée à une date ultérieure à la fin du moratoire précité.  

Plus précisément, le propriétaire sera libre de mettre en œuvre les actes de procédure préalables à l’expulsion pendant la période de moratoire. Il en va ainsi de la signification du jugement, du commandement de payer ou du commandement de déguerpir.

Prenons l’exemple du locataire d’une maison à Nivelles qui ne paye plus son loyer depuis un an. En vertu du décret, bien qu’il soit condamné par le juge de Paix à quitter les lieux, le propriétaire ne pourra pas l’y contraindre. Toutefois, ce dernier pourra s’adresser à un huissier pour signifier un commandement de déguerpir tout en mettant parallèlement en œuvre une saisie-arrêt afin de recouvrir la créance. A la fin du moratoire, si le locataire n’a pas quitté le bien de son plein gré, l’expulsion pourra avoir lieu.

En pratique, les délais de mise en œuvre d’une expulsion nécessitent souvent plusieurs mois, de sorte que le moratoire n’aura que peu d’impacts pour les jugements à venir. Les effets concrets se font essentiellement sentir pour les procédures d’expulsion prévues de longue date et pour lesquelles le recouvrement rapide des sommes dues constitue une priorité.  

2.2 Les obligations du locataire bénéficiant du moratoire

Bien que cette période de protection permet au locataire de rester dans son logement, il n’en est pas moins dispensé des obligations qui pèsent sur lui, à savoir le paiement du loyer et des charges.

S’il est vivement conseillé au locataire déjà condamné par le juge de profiter de cette période de latence pour trouver un arrangement avec son propriétaire ou, à tout le moins, d’honorer ses paiements, il ne doit pas subir un départ forcé diligenté illégalement.

3. Et après ?

Toute la question est de savoir quelles seront les conséquences de ce moratoire et s’il sera prolongé.

Cette mesure de suspension des expulsions, couplée à un encadrement strict de l’indexation des loyers laisse présager de sérieuses répercussions sur le marché locatif Wallon. Si cette situation venait à perdurer, elle pourrait bientôt prendre le nom de trêve hivernale.

Ce point semble être de circonstance puisqu’un projet d’ordonnance Bruxelloise portant sur un moratoire hivernal en matière d’expulsions a été soumis pour avis au Conseil d’État.

En tout cas, un recours en annulation et demande de suppression du Décret a été introduit le 20 octobre par l’ASBL « Syndicat National des Propriétaires et copropriétaires » et l’affaire n’a pas été encore jugée.  

Face à la diversité de situations en la matière, il est prudent de recourir aux conseils d’un professionnel du droit. Notre équipe de spécialistes en droit immobilier saura vous accompagner dans vos démarches et répondre à vos questions.

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