- Droit des Sociétés et M&A , Droit Commercial et Economique
- Mathieu Maniet - Leo Peeters
- concurrence , cartel , pratiques interdites , immunité des poursuites
Dans un article
précédant, nous avions évoqué la première décision de transaction de l’Auditorat, rendue le 22
juin 2015, par laquelle il imposait des amendes à 18 entreprises majeures du secteur de la grande
distribution et des fournisseurs de produits de parfumerie et d’hygiène pour un montant global de
174.000.000 euros. Ces entreprises avaient en effet participé, entre 2002 et 2007, à des hausses
coordonnées des prix de vente aux consommateurs de produits de droguerie, de parfumerie et
d’hygiène.
Parmi ces entreprises, certaines avaient pu bénéficier d’une exonération partielle ou totale pour
le rôle qu’elles avaient joué dans la dénonciation de la pratique.
Cette exonération est prévue par un programme de clémence qui a fait l’objet de précisions suite à
l’entrée en vigueur, le 22 mars 2016, des nouvelles lignes directrices sur la clémence.
Nous présenterons brièvement, dans un premier temps, les conditions à remplir pour pouvoir
bénéficier de la clémence. Dans un second temps, nous aborderons la principale innovation de ces
lignes directrices : l’immunité des poursuites pour les personnes physiques. Enfin, nous
mentionnerons quelques détails de la procédure à suivre.
Tant pour obtenir l’exonération totale que partielle, le demandeur doit respecter une obligation de coopération.
Exonération partielle de poursuite grâce au rôle qu'on joue dans la dénonciation de certaines pratiques
Cela implique notamment que le demandeur ne peut éliminer ou falsifier aucun élément de preuve,
qu’il doit maintenir sa demande secrète et qu’il doit mettre fin, sauf exception, à sa
participation au cartel présumé. Il doit également, à tout moment, collaborer pleinement et de
bonne foi avec l’Autorité de la Concurrence (ci-après « ABC »).
L’ABC accorde l’exonération totale d’amendes au demandeur de clémence (Type 1A) qui est le premier
à fournir des informations et des éléments de preuve qui permettent à l’ABC de procéder à des
perquisitions ciblées en rapport avec le cartel présumé, et pour autant que l’ABC ne dispose pas,
au moment de la demande de clémence, de données suffisantes pour justifier une perquisition
concernant le cartel présumé.
L’ABC accorde l’exonération totale d’amendes au demandeur de clémence (Type 1B) qui est le premier
à fournir des informations et des éléments de preuve de nature à permettre à l’ABC d’établir une
infraction en rapport avec le cartel présumé, et pour autant que l’ABC ne dispose pas, au moment de
la demande de clémence, d’éléments de preuve suffisants pour établir une infraction en rapport avec
le cartel présumé, et pour autant qu’aucune entreprise ou association d’entreprises ne se soit déjà
vu accorder une exonération totale de Type 1A.
Afin de bénéficier d’une exonération partielle d’amendes, le demandeur de clémence doit fournir des
éléments de preuve du cartel présumé qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux
éléments de preuve déjà en possession de l’ABC au moment de la demande. L’exonération correspond à
une réduction d’un pourcentage de l’amende, en fonction du rang du demandeur.
Ainsi, le premier demandeur peut espérer une réduction de l’amende allant de 30 à 50% alors que
ce pourcentage varie entre 20 et 40% pour le deuxième demandeur ou entre 10 et 30% pour le
troisième demandeur.
Toute exonération suppose donc que l’entreprise qui souhaite en bénéficier prenne l’initiative le
plus tôt possible.
Il s’agit de la principale nouveauté contenue dans les lignes directrices. Une personne physique
peut seulement être poursuivie par l’ABC lorsqu’elle a négocié au nom et pour le compte d'une
entreprise ou d'une association d'entreprises avec des concurrents ou a convenu avec eux de
fixer les prix de vente de produits ou services aux tiers, de limiter la production ou la vente de
produits ou services ou d'attribuer des marchés.
En d’autres termes, les personnes physiques ne peuvent être poursuivies et condamnées pour de
telles infractions aux règles de la concurrence que lorsqu’une entreprise ou une association
d’entreprises est aussi poursuivie et condamnée pour ces mêmes faits.
La personne doit contribuer à prouver l’existence de la ou des pratiques interdites en en
reconnaissant l’existence ou en fournissant à l’ABC des nouveaux renseignements.
Contrairement aux entreprises qui demandent la clémence, les personnes physiques peuvent bénéficier
de l’immunité des poursuites indépendamment de leur rang.
Le fait qu’une personne physique a demandé l’immunité des poursuites, n’empêche pas qu’une
entreprise ou une association d’entreprises puisse encore bénéficier d’une exonération totale ou
partielle d’amendes.
Il est, dans un premier temps, toujours opportun de contacter l’Auditorat, éventuellement par
l’intermédiaire d’un avocat, afin de demander des informations et des renseignements sur les
démarches à suivre. Toutefois il faut noter que seul un avocat peut demander à l’Auditeur général
si l’exonération totale d’amendes est encore possible.
Pour introduire une demande de clémence, le demandeur doit solliciter un rendez-vous auprès de
l’Auditeur général par e-mail ou par téléphone et doit fournir des informations telles que
l’identité des participants, le produit et la zone géographique concernés, la nature et la durée
estimée du cartel présumé. Cela vaut également pour la demande d’immunité pour les personnes
physiques.
La demande de clémence comprend une déclaration de clémence écrite contenant les informations sur
le demandeur et les entreprises concernées, une description détaillée du cartel et des éléments de
preuve qui soutiennent la demande. Dans certains cas et sous certaines conditions, la demande peut
être orale ou sommaire. Il est également possible de demander un « marqueur » afin d’obtenir un
rang réservé dans l’ordre de réception des demandes, le temps de collecter les informations
requises.
Le programme de clémence permet d’éviter ou de limiter les sanctions très lourdes pour les entreprises qui ont participé à des cartels
Si le Collège de la Concurrence rejette la demande, après examen de la demande par un membre de
l’Auditorat et dépôt d’un projet de décision par l’Auditeur général, l’ABC ne pourra pas utiliser
comme éléments de preuve les informations reçues dans le cadre de la demande. Cela ne vaut
toutefois pas si le demandeur n’a pas respecté les conditions fixées dans l’avis de clémence rédigé
par l’Auditeur général, le demandeur perdra en effet non seulement le bénéfice de l’exonération
mais courra également le risque que les informations soient utilisées contre lui.
Après l’instruction de l’auditeur sur le cartel présumé, le Collège de la Concurrence peut accorder
une exonération partielle ou totale, ou une immunité des poursuites, pour autant que les conditions
de l’avis de clémence aient été respectées. Il en va de même en cas de conclusion d’une
transaction, avec la particularité que l’immunité des poursuites doit être constatée dans une
décision distincte.
Le programme de clémence permet d’éviter ou de limiter les sanctions très lourdes pour les
entreprises qui ont participé à des cartels. Il implique toutefois une attitude proactive et une
collaboration avancée avec l’ABC.
Il ressort des lignes directrices que plus l’entreprise agit de manière prompte, plus l’exonération
dont elle pourra bénéficier sera intéressante. En outre, il est recommandé de se faire assister
d’un avocat au regard de la procédure à suivre et des différents devoirs à accomplir.
Il n’est pas inutile de rappeler qu’en cas de doute sur la légalité d’une pratique, il est
recommandé de faire appel à un avocat dont l’intervention permettra d’éviter ou de limiter les
dégâts. Cela peut se révéler primordial au regard du montant des sanctions financières.