L'assistance financière - De facto, toujours interdite ?

Analyse L’octroi de l’assistance financière (dans le cadre de l’acquisition d’une société) est en principe autorisé depuis 2009. Toutefois, certaines conditions contenues dans la loi sur l’assistance financière posent problème quant à l’application concrète de la loi et par conséquent hypothèquent ses chances de succès.

Jusqu’au 1er janvier 2009 toute forme d’assistance financière était interdite sauf deux exceptions spécifiquement prévues par la loi. Une entreprise ne pouvait pas avancer des fonds, accorder des prêts ou donner des sûretés en vue de l’acquisition ou de la souscription de ses actions, parts bénéficiaires ou certificats s’y rapportant par un tiers (ci-dessous nommé sous le terme générique « d’assistance financière »).

La pratique des acquisitions d’entreprise était déjà depuis longtemps partie requérante d’un assouplissement voir un complet abandon de l’interdiction. 

D’ailleurs, tout qui acquiert une entreprise emprunte bien souvent de l’argent auprès d’un établissement de crédit afin de financer (pour partie) son acquisition. Un gage sur les actions de l’entreprise acquise est en conséquence bien souvent un minimum pour garantir ce prêt. Les établissements de crédit désirent bien souvent des garanties plus tangibles. Avec une hypothèque sur l’immeuble de l’entreprise achetée ou avec un gage sur son fond de commerce, la banque se sent souvent bien plus confortable. 

Ensuite, souvent les excès de liquidité de l’entreprise acquise sont transférés à l’entreprise acquéreuse (« upstreaming »).  Cela peut aussi se produire via une distribution de dividende ou via une réduction de capital. De cette manière, l’argent de l’entreprise acquise peut servir en partie de source de financement pour l’acquisition en question. Une autre solution serait que l’entreprise acquise (ou une partie de cette entreprise) réalise un prêt à l’entreprise acquéreuse. De cette manière, elle pourrait aussi déduire ses intérêts notionnels. Lorsque l’entreprise l’acquéreuse est en outre une société holding ou une société de management, la déduction des intérêts notionnels n’est souvent pas réalisée au bénéfice de la société acquéreuse. Lorsque la société acquise met à disposition ses liquidités au profit de la société acquéreuse via un prêt, les fonds propres de la société reprise ne diminuent pas. Sa possibilité de profiter de la déduction des intérêts notionnels demeure donc intacte. 

Vu qu’en pratique cette interdiction entravait le bon déroulement d’acquisitions d’actions et qu’elle n’était plus adaptée à la réalité économique, la directive européenne du 6 septembre 2006 modifiant la deuxième directive sur le droit des sociétés a obligé les états-membres d’abolir cette interdiction. 

Même si le champ d’application de la directive est limité aux règles relatives aux sociétés anonymes, le législateur belge a fait le choix d’en étendre l’application aux sociétés privés à responsabilité limitée (SPRL) et aux sociétés coopératives à responsabilité limitée (SCRL). 

Depuis le 1er janvier 2009 l’octroi d’une assistance financière est donc autorisé moyennant le respect de conditions légales strictes. 

D’un côté, les conditions les plus importantes applicables au rachat d’actions propres ont été rendues d’application à l’octroi d’une assistance financière (autorisation de l’assemblée générale, limitation au bénéfice distribuable, création obligatoire d’une réserve indisponible). D’un autre côté, d’autres conditions trouvent à s’appliquer visant à garantir que l’opération ait lieu à de justes conditions de marché, que l’intérêt social de la société soit respecté et enfin que des mesures particulières soient prises en cas de conflit d’intérêt. 

Il n’est pas certain que toutes ces conditions soient nécessaires et opportunes. Un nombre important d’entre elles laisse beaucoup de place à l’interprétation et l’application dans la pratique ne s’en trouvera pas facilitée. Il va s’en dire que le succès concret de ce nouveau régime dépendra grandement des sanctions qui trouveront à s’appliquer en cas d’infraction aux conditions d’attribution de l’assistance financière. 

Ci-dessous sont repris trois éléments de la réglementation actuel qui peuvent en pratique poser problème :  

1. La responsabilité du Conseil d’Administration 

L’octroi de l’assistance financière se déroule sous la responsabilité du Conseil d’Administration. Le Conseil d’Administration devra s’assurer que les conditions légales ne sont pas uniquement formellement respectées mais aussi respectées sur le fond. 

L’approbation préalable de l’assemblée générale ne constitue pas une décharge de responsabilité. 

Afin de pouvoir décharger les administrateurs-représentants du vendeur de leur éventuelle responsabilité dans le cadre de l’attribution de l’assistance financière, il a déjà été suggéré de réaliser l’attribution de l’assistance financière après la réalisation de l’opération d’acquisition par les administrateurs-représentants des nouveaux actionnaires. De la sorte, après l’acquisition des actions, la société pourra attribuer un prêt à l’acheteur afin qu’il rembourse une partie du financement bancaire ayant été réalisé en amont de l’opération (qui se limite de ce fait à un prêt relais). En soi, rien ne semble s’opposer à une telle opération pour peu qu’elle respecte les conditions prescrites par l’article 629 du Code des Sociétés (dans le cas d’une SA).  

2. L'obligation de publication 

Le rapport du Conseil d’Administration ne doit pas seulement être déposé dans les 15 jours au greffe du tribunal de commerce compétent, mais aussi être publié intégralement aux Annexes du Moniteur Belge. 

Cette obligation de publication peut dans la pratique poser problème. En particulier l’obligation de rendre publique le prix contre lequel les actions ont été acquises représente une entrave importante à l’application du régime actuel.

3. La limitation du montant de l’assistance financière 

Le montant de l’assistance financière est limité au montant que la société peut distribuer comme dividende. L’opération de soutient ne peut donc pas amener la société à voir son actif net réduit à moins que le montant du capital libéré augmenté des réserves qui selon la loi ou les statuts ne peuvent pas être distribuées. 

La société devra en outre inscrire au passif de son bilan une réserve indisponible égale au montant total de l’assistance financière. En cas de prêt, le montant total du prêt attribué devra être pris en considération. 

Quand l’assistance financière consiste en l’octroi de garantie, il faut être très prudent quant à la détermination de la valeur de cette garantie.  Si l’évaluation de la valeur de la garantie n’est pas évidente, il faudra faire attention à expressément limiter le montant attribué à la valeur de la garantie. Si l’on ne fait pas cela, la manière la plus sûr est de prendre en compte la valeur totale de la dette garantie. Cela représente d’ailleurs la perte maximum (potentiel) pour la société.  

4. Conclusion

Il est sûr et certain que l’abolition de l’interdiction de principe de l’assistance financière est une bonne affaire. Pourtant, le praticien peut se demander aujourd’hui si sa situation a réellement évoluée par rapport à la situation antérieur ayant existée jusqu’au 1 janvier 2009. De facto, les nouvelles règles de l’assistance financière resteront qualifiées d’interdiction. 

Les structures alternatives qui par le passé étaient souvent appliquées resteront donc d’application ; on retrouve notamment (i) l’interposition d’une entreprise liée à la société en question ou encore (ii) la soi-disant « carve-out » des actif de la société en question puis une reprise progressive par la même société.

 

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Leo Peeters

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