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La directive du 20 juin 2019 relative aux restructurations harmonise pour la première fois la législation sur l'insolvabilité au niveau européen.

Une partie importante de cette directive concerne les cadres de restructuration préventive, qui visent à limiter la liquidation inutile d'entreprises viables.

En Belgique, cela aura principalement un impact sur la réorganisation judiciaire, et plus particulièrement sur la réorganisation judiciaire par accord collectif.

Le législateur belge n'a pas réussi à transposer la directive en droit national à temps, mais nous attendons les principes de la réforme dans les mois à venir. C'est donc le moment de prendre un moment de réflexion concernant son impact potentiel.

1. Comment fonctionne la procédure actuelle de réorganisation judiciaire ?

La procédure de réorganisation judiciaire est une procédure par laquelle une entreprise peut demander au tribunal de l’entreprise de la protéger contre ses créanciers. Pendant la période de suspension accordée par le tribunal, l'entreprise (également appelée le débiteur) peut alors prendre des mesures pour assurer sa continuité.

Cette suspension doit être utilisée pour atteindre l'un des objectifs suivants, chacun selon sa propre procédure :

  • parvenir à un accord à l'amiable avec les créanciers ;
  • obtenir un accord (collectif) des créanciers sur un plan de réorganisation ; ou
  • le transfert sous autorité judiciaire de tout ou partie des actifs ou de l'entreprise.

La directive relative à la « restructuration » aura principalement un impact sur la réorganisation judiciaire par accord collectif, qui est la plus couramment utilisée.

Actuellement, cette procédure permet au débiteur - qui reste en possession de son entreprise - de présenter un plan de remboursement de ses dettes à ses créanciers. Les créanciers votent ensuite sur ce plan en tant que groupe unique. Ce plan est réputé approuvé lorsque la majorité des créanciers, qui représentent également la majorité de la valeur des créances, approuvent le plan. L'approbation par la majorité des créanciers permet d'imposer le plan aux créanciers dissidents (ce que l'on appelle le « cram-down »). Il doit ensuite être homologué par le tribunal, qui ne peut refuser de le faire que si les règles de procédure sont violées ou si le plan est contraire à l'ordre public. Après ratification, le plan est contraignant pour tous les créanciers.

2. Quels sont les principes futurs de la réorganisation judiciaire par accord collectif ?

La directive sur les restructurations énonce certains principes qui diffèrent de la réorganisation judiciaire par accord collectif telle que nous la connaissons aujourd'hui.

2.1. Le vote et la répartition en catégories

Une première innovation importante est que les créanciers (les États membres peuvent prévoir que cela peut également inclure les employés et les actionnaires) doivent voter sur le plan d'assainissement en catégories distinctes. Ces catégories seront composées sur base d'intérêts suffisamment partagés, les créances couvertes par une sûreté et celles qui ne le sont pas étant au moins traitées dans des catégories distinctes. Si toutes les catégories ne votent pas en faveur de l'approbation du plan, celui-ci ne pourra être validé que moyennant le respect de garanties supplémentaires (ce que l'on appelle un « cram-down inter-catégories », dont il sera question plus loin).

Cet arrangement est donc différent de l'actuel redressement judiciaire par accord collectif, qui implique un vote consolidé du groupe pour approuver le plan et aucune garantie spécifique ne s'applique aux créanciers dissidents.

Il convient de noter que la directive permet aux États membres de donner aux débiteurs qui sont des PME la possibilité de ne pas diviser les parties concernées en catégories. Il s'agirait donc d'une perpétuation du régime actuel pour ce type de société. Le législateur doit donc encore décider si, dans le cas des PME aussi, le vote devra se faire par catégories. Compte tenu de l'importance des PME pour l'économie belge, l'importance de cette éventuelle exception ne peut être sous-estimée.

2.2. Conditions d’homologation

Une autre innovation concerne l’homologation d'un plan de réorganisation. Dans ce cas, le tribunal devra vérifier le plan en fonction d'un plus grand nombre de conditions que ce n'était le cas auparavant.

Entre autres, chaque plan de restructuration devra remplir les conditions suivantes :

  • les créanciers d'une même catégorie doivent être traités de manière égale, en proportion de leur créance ;
  • le plan doit être dans l'intérêt de chaque créancier dissident ;
  • le plan doit offrir une perspective raisonnable d'éviter l'insolvabilité.

En outre, pour l'homologation d'un plan d'assainissement qui n'a pas été approuvé par toutes les catégories (un "cram-down inter-catégories"), les conditions supplémentaires suivantes, entre autres, devront être remplies :

  • le débiteur doit donner son consentement ;
  • au moins une catégorie de créanciers garantis ou, à défaut, une catégorie qui ne recevrait aucun paiement dans une liquidation normale doit donner son consentement ;
  • le traitement de la catégorie non consentante doit être au moins égal à celui des catégories de même rang et meilleur que celui des catégories de rang inférieur (les États membres peuvent au contraire prévoir que la catégorie non consentante doit recevoir une pleine satisfaction lorsqu'une catégorie de rang inférieur reçoit un quelconque paiement).

3. Conclusion

La transposition de la directive sur les restructurations entraînera des changements importants en matière de réorganisation judiciaire par accord collectif.

Le vote sur l'approbation du plan de réorganisation se fera par catégories, des garanties spéciales étant prévues pour les catégories de créanciers dissidents au vote.

Toutefois, le législateur a la possibilité de limiter la portée de ce nouveau régime. En ce sens, il reste à voir ce qui sera prévu pour les PME.

Pour l'approbation du plan de redressement des débiteurs PME, les créanciers pourront-ils toujours voter en un seul groupe (comme c'est le cas aujourd'hui) ou le législateur exigera-t-il également que les PME votent dans des catégories distinctes ? Nous ne manquerons pas de vous en tenir informés.

Si vous souhaitez obtenir de plus amples informations à ce sujet, n'hésitez pas à contacter nos spécialistes de Seeds of Law à l'adresse info@seeds.law ou au +32 (0)2 747 40 07. 

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Leo Peeters

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