Réforme du droit de l’insolvabilité (3ième Partie) : responsabilité des administrateurs en cas d’insolvabilité

Analyse

Dans le cadre de la réforme du droit de l’insolvabilité qui est entrée en vigueur le 1er mai 2018, le législateur a opéré plusieurs modifications importantes concernant la responsabilité des administrateurs en cas de faillite. Les règles de responsabilité révisées valent pour les administrateurs de sociétés et non pour les personnes physiques qui bien qu’étant des entreprises, n’ont pas la structure d’une société.

1. Action en responsabilité pour faute grave et caractérisée

La responsabilité des administrateurs était auparavant contenue dans le code des sociétés mais est désormais partiellement transférée dans le Livre XX, dans la mesure où elle se rapporte à des fautes graves et caractérisées qui ont contribué à une faillite.

En cas de faillite d'une entreprise et d'insuffisance de l'actif et s'il est établi qu'une faute grave manifeste dans leur chef a contribué à la faillite, tout administrateur peut être déclaré personnellement obligé, avec ou sans solidarité, de tout ou partie des dettes sociales à concurrence de l'insuffisance d'actif.

Sous « administrateur » on entend tous les administrateurs, gérants, délégués à la gestion journalière, membres du comité de direction ou du conseil de surveillance, actuel ou ancien, ainsi que toute autre personne qui a effectivement détenu le pouvoir de gérer l'entreprise (à savoir pendant la période qui a commencé avant la faillite mais pas nécessairement jusqu’au jour de la faillite).

La loi définit la faute grave manifeste comme « toute fraude fiscale grave, organisée ou non, au sens de l'article 5, § 3, de la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux ».

Cette règle générale de responsabilité qui a été introduite vaut désormais pour toutes les formes de sociétés, contrairement à l’ancienne règle selon laquelle la responsabilité pour faute grave manifeste valait seulement pour les administrateurs d’une SPRL, d’une SCRL et d’une SA.

Les petites entreprises (avec un chiffre d’affaires inférieur à 620.000,00 EUR hors TVA) ainsi que les associations (ASBL et AISBL) et fondations qui tiennent une comptabilité simplifiée sont exclues du champ d’application de cette règle.

L’action en responsabilité pour faute grave manifeste peut être initiée par le curateur ou tout créancier lésé. Toutefois, un créancier lésé ne peut initier l’action que si le curateur n’a pas introduit lui-même une action dans un délai d'un mois après avoir été sommé de le faire par le créancier lésé.

Si une personne qui est titulaire d’une profession libérale, est déclarée personnellement obligée pour faute grave manifeste, l'ordre ou l'institut sera également informé de l’action.

2. Responsabilité objective pour les dettes envers l’ONSS

La responsabilité objective pour les dettes envers l’ONSS vaut également dorénavant pour toutes les entreprises indépendamment de leur forme juridique.

Ainsi, à la demande de l’ONSS ou du curateur, les administrateurs (voir la définition sous point 1) peuvent être tenus comme étant personnellement et solidairement responsables pour la totalité ou une partie des cotisations sociales dues au moment du prononcé de la faillite et ce :

  • s'il est établi qu'au cours de la période de cinq ans qui précède le prononcé de la faillite, ils ont été impliqués dans au moins deux faillites ou liquidations d'entreprises à l'occasion desquelles des dettes de sécurité sociale n'ont pas été honorées,
  • pour autant qu'ils aient eu au moment de la déclaration de faillite, dissolution ou entame de la liquidation desdites entreprises, une fonction dirigeante.

3. “Wrongful trading” – Nouveau type de responsabilité

Cette action en responsabilité a été introduite à la suite d’une jurisprudence concernant les administrateurs (de fait) qui poursuivent une entreprise désespérée.

Ce nouveau type de responsabilité spéciale prévoit qu’en cas de faillite d'une entreprise, les administrateurs (voir définition sous point 1) peuvent être déclarés personnellement obligés, avec ou sans solidarité, de tout ou partie des dettes de l’entreprise si :

  • la personne concernée savait ou devait savoir à un moment donné antérieur à la faillite, qu'il n'y avait manifestement pas de perspective raisonnable pour préserver l'entreprise ou ses activités et d'éviter une faillite;
  • la personne concernée avait à ce moment l'une des qualités suivantes : administrateur, gérant, délégué à la gestion journalière, membre du comité de direction ou du conseil de surveillance, actuel ou ancien, ainsi que toute autre personne qui a effectivement détenu le pouvoir de gérer l'entreprise (à savoir pendant la période qui a commencé avant la faillite mais pas nécessairement jusqu’au jour de la faillite;
  • la personne concernée n'a pas, à partir du moment où elle savait ou devait savoir, agi comme l'aurait fait un administrateur normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances.

L’action en responsabilité pour cause de « wrongful trading » est réservée exclusivement au curateur.

4. Conclusion

Le régime de responsabilité décrit ci-dessus concerne un régime spécifique qui est prévu par le droit de l’insolvabilité en cas de faillite.

Les administrateurs d’une société sont également soumis au régime général de responsabilité des administrateurs d’une société ou d’une association, qui est prévu dans le Code des sociétés et est également révisé.

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Leila Mstoian

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