- Droit Social
- Marcel Houben
- statut unique , ouvrier , employé , clause d'essai , licenciement , délais de préavis , engagement , durée déterminé , intérimaire , motivation
Ci-après quelques suggestions pratiques.
Bien qu’il soit fait (trop) aisément référence au « statut unique » dans le contexte de la loi du
26 décembre 2013, force est de constater que ce concept « statut unique » relève encore d’un
euphémisme énorme.
Une réelle unification du statut des deux catégories de travailleurs prendra encore de nombreuses
années :
• des commissions paritaires distinctes restent compétentes pour les ouvriers et employés dans la
plupart des secteurs industriels avec comme conséquence que les conditions de rémunération et de
travail sont négociées pour ces deux catégories à des niveaux différents ;
• les ouvriers sont toujours payés au taux horaire alors que les employés reçoivent une
rémunération mensuelle ;
• les différentes réglementations relatives aux congés annuels demeurent encore inchangées.
Par une longue tradition, un nombre de conditions de travail des ouvriers se sont presque
irrémédiablement distanciées de celles des employées. L’exemple par excellence est celui de
l’assurance groupe qui pendant plusieurs années n’était seulement offerte qu’aux employés. Toutes
les parties concernées (le gouvernement et les partenaires sociaux) se sont mises d’accord
maintenant apparemment que cette différence devra être disparue en 2025.
Même en terme des délais de préavis, objet principal de la loi du 26 décembre 2013, les différences
entre ouvriers et employés continueront de se faire ressentir durant encore de nombreuses années.
Lors du recrutement d’un nouveau travailleur – même après le 1er janvier 2014 - la qualification
d’ouvrier ou d’employé continuera à s’imposer.
Toutefois, la loi du 26 décembre 2013 a quand même causé un léger bouleversement. En effet, force
est de constater que la gestion du personnel devra être révisée à plusieurs niveaux, et que les
documents utilisés pour la mise en œuvre de cette gestion (comme le contrats-type et les règlements
de travail) devront être adaptés.
Voici quelques exemples pratiques de modifications devant avoir lieu :
La suppression de la période d’essai est vraisemblablement pour nombre d’entre nous un
changement inattendu qui fut introduit par la loi du 26 décembre 2013.
• Il est bien connu que la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail prévoit une
période d’essai : pour les ouvriers la durée de la période d’essai était fixée à 7 jours au minimum
jusqu’à un maximum de 14 jours ; il était possible de résilier le contrat sans préavis après les 7
premiers jours d’essai.
• Pour les employés la durée de la période d’essai était entre minimum 1 mois et maximum 6 mois
pour autant que la rémunération annuelle ne dépassait pas les 38.665 € brut, ou de maximum 12 mois
en cas d’une rémunération annuelle supérieure. Dès l’expiration du premier mois, il était possible
de résilier le contrat pour autant qu’un préavis de 7 jours soit respecté.
La suppression de la période d’essai est donc surtout importante pour les employés.
Lors des discussions parlementaires, le Ministre De Coninck a justifié la suppression de la période
d’essai par la réduction considérable des délais de préavis, applicables pour les employés en
vertu de la nouvelle loi durant les premiers mois de travail.
Cette évidence ne peut être niée.
Pour les employés, engagés après le 1er janvier 2014, il n’est plus question de délais de préavis
de 3 mois. Pourtant, là où pour les employés dont la rémunération brut annuelle excédait le montant
de 38.665 €, un délai de préavis de 7 jours était applicable, en vertu de la législation applicable
jusqu’au 31 décembre 2013, durant les 12 premiers mois (pour autant bien sûr qu’une période d’essai
de 12 mois était contractuellement prévue), cette période de préavis à respecter s’élève
maintenant à 2 semaines durant le 1er trimestre de l’emploi pour augmenter jusqu’à 7 semaines
lorsque le licenciement se produit au cours du quatrième trimestre. En tout état de cause, une
augmentation significative !
La période d’essai devait être établie par écrit pour chaque travailleur individuellement. Par
conséquent, la période d’essai était généralement prévue dans le contrat de travail. Dans la mesure
où l’on utilise des contrats type de travail ceux-ci doivent être adaptés par la suppression des
dispositions concernées.
Egalement d’autres références éventuelles à la période d’essai dans le contrat de travail doivent
être adaptées. Dans ce cadre, il est important de faire référence à la clause de non-concurrence
contenue dans les contrats de travail. Cette clause n’est pas d’application en cas de rupture du
contrat de travail au cours de la période d’essai. A partir du 1er janvier 2014, cette clause ne
sera plus applicable en cas d’une rupture du contrat de travail au cours des 6 premiers mois de
l’emploi. La référence faite à la période d’essai par la clause de non-concurrence doit donc
également être remplacée par une référence aux 6 premiers mois de prise de fonction. Cette période
de 6 mois, en remplacement de la période d’essai dans cette matière, est également applicable aux
clauses de non-concurrence extensives et pour les représentants de commerce.
La durée de la période d’essai pouvait être déterminée dans le règlement de travail. Le règlement
de travail doit donc être modifié par la suppression de ces dispositions en question. En principe
une procédure particulière en vue de modifier un règlement de travail doit être respectée.
Néanmoins, la modification, dont question ci-dessus nous semble parfaitement défendable sans devoir
respecter cette procédure de modification, et ce sur base d’une lecture extensive de l’article 14.q
de la loi sur les règlements de travail. En vertu de cet article, une modification des dispositions
du règlement de travail relatives à la durée des délais de préavis peut être effectuée sans respect
de cette procédure. A notre avis, la suppression de dispositions relatives à la période d’essai
dans ces circonstances constitue en réalité principalement une modification de la durée des préavis
applicables. Dès lors, le non-respect de cette procédure est parfaitement défendable pour une telle
modification du règlement de travail.
Il est également parfois fait référence à la période d’essai dans le cadre de l’applicabilité
d’autres conditions de travail. Notamment, lorsqu’il s’agit de voiture de sociétés, celle-ci n’est
souvent accordée qu’après la période d’essai. Il en va de même pour la participation à une
assurance groupe ou une augmentation du salaire. Il faut donc également modifier toutes ces
dispositions.
Bien que n’étant pas strictement nécessaire et pas exécutoire dans la plupart des cas, un renvoi
aux dispositions légales prévoyant un délai minimal de préavis de 3 mois durant le 1er quinquennat
d’ancienneté, à augmenter de 3 mois par chaque tranche entamée de 5 ans d’ancienneté, était
régulièrement inséré dans les contrats de travail pour employés.
Pour les employés engagés à partir du 1er janvier 2014, ce minimum légal est dans un grand nombre
des cas plus avantageux en comparaison aux nouveaux délais de préavis.
La nouvelle loi autorise que des périodes de préavis plus favorables que celles, fixées par la loi,
soient convenues contractuellement entre l’employeur et le travailleur. Par conséquent, en cas d’un
engagement d’un employé après le 1er janvier 2014, les dispositions prévues dans le contrat de
travail, encore référant aux délais de préavis conformément à l’ancienne réglementation plus
avantageuse, seront applicables et cette ancienne réglementation restera donc applicable. La
nouvelle loi serait donc inopérante dans de nombreux cas. En vue de prévenir cela, il est donc
nécessaire de supprimer de telles dispositions dans les contrats types de travail.
Conformément à la loi sur les règlements de travail, les délais de préavis applicables ou la façon
dont ils sont calculés doivent être mentionnés dans les règlements de travail. Afin d’éviter tout
malentendu, il est donc de la plus haute importance que les dispositions contenues dans le
règlement de travail, référant aux délais de préavis comme applicables jusqu’au 31 décembre 2013,
soient complètement modifiées par des dispositions adaptées à la nouvelle réglementation.
Pour de tels changements du règlement de travail, il n’est pas obligatoire de respecter la
procédure particulière de changement dudit règlement.
Cette question épineuse est la conséquence d’une rédaction maladroite de la nouvelle législation.
La loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail permettait à l’employeur et l’employé
dont le salaire annuel brut à l’embauche dépassait les 64.508 €, de fixer de commun accord les
délais de préavis à respecter par l’employeur pour autant que le minimum légal était respecté. Dans
la plupart des cas, cette possibilité était utilisée par les employeurs en vue de limiter les
délais de préavis au minimum légal pour les hauts cadres.
L’article 68 §2 de la loi du 26 décembre 2013 prévoit que la durée de préavis pour les employés qui
au 31 décembre 2013 étaient en service, en ce qui concerne l’ancienneté acquise jusqu’au 31
décembre 2013, est déterminé sur base « … des règles légales, réglementaires et conventionnelles en
vigueur au 31 décembre 2013…. ».
Il s’ensuit donc de cette disposition que les accords, valablement conclus avant le 31 décembre
2013 concernant le préavis à respecter par l’employeur, restent applicables quant à l’ancienneté
acquise au 31 décembre 2013.
TOUTEFOIS, le paragraphe suivant de l’article 68 dispose que : « … ce délai est, par dérogation (…)
(au paragraphe précédent) fixé à un mois par année d’ancienneté entamée … ».
A suivre littéralement le texte de la loi, les délais de préavis de l’employeur déterminés
contractuellement avant le 31 décembre 2013 sont donc mis à l’écart.
Au cours des débats parlementaires, le Ministre De Coninck a réitéré plusieurs fois que ces accords
doivent quand-même être respectés. Ces déclarations de Ministre De Coninck ne correspondent donc
pas au texte de la loi. Le gouvernement voulait donc autre chose que ce qu’il a disposé dans la
loi. Un simple ajout au texte du paragraphe en question de l’article 68 aurait permis de clarifier
les choses et d’éviter tout malentendu. Pour quel motif, le Ministre de Coninck n’y a pas recouru,
demeure un mystère.
En application de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, des indemnités de
rupture particulières étaient dues en cas de rupture du contrat de travail à durée déterminée ou
pour un travail déterminé (sauf pour motifs graves) avant l’arrivée du terme ou l’achèvement des
travaux. L’indemnité était égale à la rémunération pour le délai restant à courir du contrat de
travail avec un maximum de 2 fois la compensation applicable en cas d’un contrat de travail à
durée indéterminée.
Ce principe était tempéré par la possibilité d’insérer une période d’essai dans le contrat de
travail. Durant cette période d’essai, le contrat de travail pour une durée déterminée ou pour un
travail déterminé pouvait être résilié avec application des préavis spécifiques applicables durant
la période d’essai.
Par la suppression de la période d’essai par la nouvelle loi du 26 décembre 2013, cette possibilité
tombe désormais à l’eau. Afin d’y remédier, la nouvelle loi permet de mettre fin au contrat de
travail pour autant que le délai de préavis, applicable pour les contrats de travail à durée
indéterminée, soit respecté, et ce durant la première moitié de la durée du contrat de travail pour
une durée déterminée ou un travail déterminé (mais ne dépassant pas les 6 premiers mois). Une fois
ce délai venu à terme, l’indemnité de rupture particulière reste due en cas de résiliation avant
l’expiration du terme (sauf dans le cas de rupture pour faute grave).
Pour éviter tout malentendu entre les parties, nous estimons qu’il serait plus approprié d’inclure
ces nouvelles règles de manière expresse dans le contrat.
La flexibilité dans le recrutement– en compensation de la suppression de la période d’essai –
n’est pas seulement favorisée par l’introduction de la possibilité de résilier le contrat de
travail pour une durée déterminée ou un pour un travail déterminé pendant une certaine période
moyennant le respect d’un délai de préavis.
L’expansion des possibilités de faire appel au travail intérimaire en vue de remplir un emploi
vacant, s’inscrit également dans ce contexte (même si ce n’est pas expressément mis dans ce
contexte par le législateur).
Il est de notoriété commune que la réglementation sur le travail intérimaire a été appliquée de
manière extensive. Il n’était pas rare qu’un candidat pour un emploi permanent était occupé en
premier lieu en tant qu’intérimaire, et la législation le permettait dans une certaine mesure.
Cette possibilité a été considérablement élargie par la loi du 26 juin 2013 et la convention
collective de travail n° 108 d’accompagnement, conclue au sein du Conseil National du Travail le 16
juillet 2013. Afin de combler un poste vacant, l’employeur peut en premier lieu occuper le candidat
comme travailleur intérimaire, et ce avec l’intention d’occuper le candidat après l’occupation
intérimaire avec un contrat à durée indéterminée : dans ces circonstances, le travail intérimaire
peut légalement être appliqué pendant une période de 12 mois.
En d’autres termes, de cette façon une forme déguisée de la clause d’essai a été rendue légalement
possible durant une période de 12 mois, quel que soit le niveau de la fonction ou de la
rémunération.
Excepté dans des cas et circonstances particulières, la loi belge n’imposait aucune obligation à
l’employeur de motiver sa décision de résilier un contrat de travail.
Cependant, une exception à ce principe était prévu à l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978
relative aux contrats de travail: le licenciement d’un ouvrier était considéré comme abusif, en
vertu de cet article, si les raisons qui justifient ce licenciement ne présentent aucun lien avec
les compétences ou le comportement de l’ouvrier, ou avec les besoins opérationnels de l’entreprise
: en cas de contestation, il appartient à l’employeur de démontrer que le licenciement n’est pas
arbitraire et si l’employeur n’arrive pas à apporter cette preuve, il est redevable d’une
compensation forfaitaire équivalente à 6 mois de salaire. Assez surprenant, à notre avis, cet
article n’était invoqué que sporadiquement dans le passé et n’était donc pas utilisé
systématiquement pour forcer l’employeur d’une manière générale de motiver le licenciement d’un
ouvrier.
La Belgique fut critiquée à maintes reprises par des organisations internationales telles que
l’Organisation Internationale du Travail, en raison de l’absence d’obligation générale de
motivation à charge de l’employeur en cas de résiliation d’un contrat de travail.
Dans l’accord du 5 juillet 2013, le principe est repris que chaque travailleur a le droit de
connaître les motifs de la rupture de son contrat de travail. En contrepartie de ce droit, il y a
évidemment l’obligation de l’employeur de communiquer ces motifs. Depuis l’existence de l’accord du
5 juillet 2013, ce principe était généralement qualifié comme l’introduction d’une obligation
générale de motivation d’un licenciement.
CEPENDANT, le gouvernement et le parlement n’eurent malheureusement pas le courage d’élaborer
eux-mêmes une telle réglementation. La patate chaude a été transférée aux partenaires sociaux qui
ont été demandés d’élaborer le corps de ce principe dans une convention collective de travail
conclue au sein du Conseil National de Travail. Ils bénéficiaient d’un délai jusqu’au 31 décembre
2013.
Finalement, les partenaires sociaux ont réussi à conclure un accord qui sera connu comme la « CCT
n° 109 du 12 février 2014 concernant la motivation du licenciement ».
Dans la CNT n° 109 le contenu de « l’obligation de motivation » est rempli de deux façons :
L’employeur n’a pas l’obligation de communiquer de sa propre initiative les motifs de sa
décision au travailleur au moment de la rupture du contrat de travail d’un travailleur. Rien
n’empêche qu’il le fasse, mais si il ne le fait pas, aucune sanction s’impose.
Le travailleur, qui désire connaître ces motifs, a la possibilité d’en demander la communication à
son ancien employeur, et ce par lettre recommandée envoyée dans les deux mois suivant le
licenciement. Si l’ancien employeur ne donne pas suite à cette demande dans les deux mois, il est
redevable d’une « amende civile forfaitaire » correspondant à deux semaines de rémunération,
payable au travailleur.
Sans doute, cette nouvelle notion « amende civile forfaitaire » provoquera des commentaires
multiples. En tout état de cause, les partenaires sociaux ont demandé le gouvernement de prendre
les mesures nécessaires afin de faire de sorte que cette amende ne soit pas qualifiée de « salaire
» en matière de la sécurité sociale et en matière de la réglementation relative au chômage. La
qualification fiscale se fera sans doute dans le même sens.
Le licenciement manifestement déraisonnable se définit comme un licenciement qui « … se base sur
des motifs qui n’ont aucun lien avec l’aptitude ou la conduite du travailleur ou qui ne sont pas
fondés sur les nécessitées du fonctionnement de l’entreprise … … et qui n’aurait jamais été´ décidé
par un employeur normal et raisonnable.»
Par l’ajout du test « employeur normal er raisonnable » les partenaires sociaux ont voulu accentuer
que le contrôle est marginal sans un jugement quelconque relatif à l’opportunité de la gestion de
l’employeur.
Une tache importante est donc attribuée à la jurisprudence pour donner dans la pratique un contenu
à la notion « licenciement manifestement déraisonnable ».
La charge de preuve relève de l’employeur ou du travailleur selon le cas où le travailleur a ou n’a
pas demandé à son employeur la communication des motifs de son licenciement (item 1 ci-dessus) et
selon le cas où les motifs, invoqués par l’employeur pour démontrer que le licenciement n’est pas
manifestement déraisonnable, correspondent ou ne correspondent pas aux motifs, communiqués déjà
préalablement au travailleur dans le contexte de sa demande, dont question au item 1 ci-dessus.
Si le licenciement est manifestement déraisonnable, le travailleur a droit à une indemnisation
correspondant au minimum à trois semaines de rémunération et au maximum à 17 semaines de
rémunération. Par conséquent, encore une fois, une rôle primordiale pour les tribunaux et cours de
travail.
Pour une analyse plus détaillée de cette obligation de motivation (exceptions, cumul avec d’autres
indemnisations, etc.) référence est faite à une contribution particulière qui sera disponible sur
notre site web d’ici quelques jours.