Analyse
Depuis le 1er janvier 2024, une nouvelle législation est entrée en vigueur concernant la TVA sur les projets de démolition et de reconstruction.
Ceci est tout à fait conforme à ce qui a été traité précédemment dans notre article du 28 novembre 2023.
Dans cet article, nous vous donnons un aperçu de ce nouveau régime de TVA, partant des régimes de TVA qui étaient en place avant, à savoir :
- le régime permanent de TVA favorable dans les 32 villes-centres (Régime "régime favorable villes-centres") ;
- le régime temporaire de TVA favorable pour la démolition et la reconstruction qui s'appliquait à l'ensemble du territoire belge (régime "ancien régime temporaire").
Les deux régimes seront supprimés à partir du 1er janvier 2024 (sous réserve de certaines mesures transitoires) et remplacés par un régime de TVA unique applicable à l'ensemble du territoire belge.
La principale modification dans ce nouveau régime de TVA consiste en la suppression du taux réduit de TVA sur la vente de maisons reconstruites après démolition. Il s'agit donc surtout d'une nouvelle pour les promoteurs immobiliers.
Les autres régimes de TVA favorables relatifs aux logements sociaux, à l'installation de panneaux solaires, aux chaudières solaires et aux pompes à chaleur, ne sont pas abordés ou pas de manière aussi complète, dans cet article.
1. Le nouveau régime de TVA pour la démolition et la reconstruction
Les systèmes existants sont remplacés par un système global
Dans le cadre du système précédent, un régime de TVA favorable permanent était initialement applicable dans les 32 villes-centres. Ce régime permettait de facturer le coût de construction d'un projet de logement, lorsqu'un bâtiment était entièrement démoli et qu'une nouvelle unité de logement était construite, à un taux de TVA réduit de 6 %.
Ce régime de TVA pouvait être appliqué par n'importe qui, y compris les promoteurs immobiliers, les entreprises clés en main et les investisseurs privés. L'objectif était d'encourager l'investissement privé dans des projets résidentiels dans les 32 villes-centres, lieux où la pénurie d'unités résidentielles de qualité était la plus importante.
En 2021, ce régime de TVA a été temporairement (initialement pour une période de deux ans avec une extension possible d'un an) étendu à l'ensemble du territoire belge, mais avec des conditions plus strictes. Pour bénéficier du taux de TVA de 6 % en dehors des 32 villes-centres, le projet devait remplir certaines conditions, que l'on peut classer en trois catégories : conditions sociales, matérielles et formelles.
Les deux régimes seront supprimés à partir du 1er janvier 2024 (sous réserve de certaines mesures transitoires) et remplacés par un régime unique de TVA qui :
- s'applique à l'ensemble du territoire belge, et
- est soumis aux conditions sociales, matérielles et formelles suivantes
1.1 Les conditions sociales
Les conditions dites sociales telles qu'énoncées dans le règlement temporaire sur la TVA restent inchangées dans la nouvelle législation. Pour bénéficier du taux réduit de TVA de 6 % à partir du 1er janvier 2024, l'une des deux conditions suivantes doit être remplie :
- Le maître d’ouvrage -personne physique utilise l'habitation reconstruite dans le cadre d'un projet de démolition et de reconstruction pendant au moins 5 ans comme habitation unique et à titre principale occupée par le propriétaire comme habitation et y établit son domicile sans dépasser la surface habitable maximale de 200 m2 (régime « habitation unique et occupée par le propriétaire ») ;
- Le maître d’ouvrage - personne physique donne en location le nouveau logement pendant au moins 15 ans à ou par l'intermédiaire d'une agence de location sociale ou d'une société de logement social reconnue par l'autorité compétente en matière de politique sociale du logement (régime « location sociale »).
A ce titre, l'immeuble neuf peut être utilisé exclusivement ou principalement comme résidence privée unique lorsqu'il est occupé. Un usage principalement privé est suffisant, de sorte que les locaux qui sont partiellement utilisés à des fins professionnelles sont également couverts.
La période de cinq ans s'étend de la première occupation au 31 décembre de la cinquième année suivante.
Par ailleurs, la démolition du bien doit s'accompagner d'une reconstruction. La démolition et la reconstruction doivent donc constituer un seul et même acte.
1.2 Les conditions matérielles
Le nouveau règlement final ne s'applique qu'aux projets immobiliers dans lesquels la reconstruction d'un bien est étroitement liée à la démolition du bâtiment d'origine.
Cela signifie :
- qu’il doit y avoir un lien entre la partie qui démolit le bâtiment existant et la partie qui reconstruit ensuite un nouveau bien immobilier ;
- que la démolition et la reconstruction doivent avoir lieu peu de temps après l'une et l'autre ; si le délai entre la démolition et la reconstruction est trop long, le régime ne s'appliquera pas.
1.3 Conditions formelles
La facture émise par le prestataire de services, et le double qu'il conserve, constate l'existence des divers éléments justificatifs de l'application du taux réduit et porte la mention suivante:
« Taux de T.V.A.: En l'absence de contestation par écrit, dans un délai d'un mois à compter de la réception de la facture, le client est présumé reconnaître que
(1) les travaux sont effectués à un bâtiment d'habitation dont la première occupation a eu lieu au cours d'une année civile qui précède de moins de dix ans la date de la première facture relative à ces travaux,
(2) qu'après l'exécution de ces travaux, l'habitation est utilisée, soit exclusivement soit à titre principal comme logement privé et
(3) que ces travaux sont fournis et facturés à un consommateur final. Si au moins une de ces conditions n'est pas remplie, le taux normal de T.V.A. de 21 p.c. sera applicable et le client endossera, par rapport à ces conditions, la responsabilité quant au paiement de la taxe, des intérêts et des amendes dus. »
Sauf collusion entre les parties, l'absence de contestation par écrit de la facture par le client, décharge la responsabilité du prestataire de services par rapport aux conditions pour la détermination du taux réduit de 6%.
En outre, avant l'échéance de la taxe, le maître d’ouvrage doit envoyer une déclaration à l'adresse électronique indiquée par le Ministre des Finances ou son délégué. Cette déclaration doit mentionner que le bâtiment qu'il fait démolir et reconstruire est destiné soit à être utilisé comme habitation unique et principal pendant une période d'au moins cinq ans, soit à être mis en location pendant une période de quinze ans à ou par l'intermédiaire d'un organisme de logement social ou d'une société de logement social reconnue par l'autorité compétente en matière de politique sociale du logement. Cette déclaration doit être accompagnée d'une copie du permis d’urbanisme et du ou des contrat(s) d’entreprise.
Les fournisseurs dans le cadre de ces projets sont soumis à la même obligation, mais ils doivent également fournir une copie du ou des contrat(s) d’entreprise.
Les fournisseurs de ces projets sont soumis à la même obligation, mais ils doivent en outre fournir une copie du compromis ou de l'acte authentique portant sur le bâtiment démoli et reconstruit.
2. Quel sera l'impact en pratique ?
Avant le 1er janvier 2024, le taux réduit de 6 % s'appliquait également à la vente de logements après démolition et reconstruction, à condition que la vente ait lieu dans le cadre du régime « habitation unique et propre » ou du régime « locatif social ». Cela permettait également aux promoteurs immobiliers, aux entreprises clés en main ou aux investisseurs privés de bénéficier de « l'ancien régime temporaire ».
Comme nous l'avons déjà mentionné, la principale modification dans le nouveau régime de TVA consiste en la suppression du taux réduit de TVA sur la vente de maisons reconstruites après démolition. Il s'agit donc d'une nouvelle qui touche particulièrement les promoteurs immobiliers, les entreprises clés en main ou les investisseurs privés.
On peut s'attendre à ce que la limitation du champ d'application matériel du nouveau régime ait un impact majeur sur le marché de logement en Flandre. Il deviendra encore plus difficile pour les acteurs professionnels de réaliser des projets rentables, et pas seulement dans les 32 villes centrales.
Malgré les vives critiques émises au cours du processus législatif, le législateur a tenu bon, même pour les projets de démolition et de reconstruction dans les 32 villes-centres. Si ces projets ne sont pas couverts par le régime social susmentionné, le régime de l'impôt sur le revenu des personnes physiques sera appliqué. Si ces projets ne remplissent pas les conditions sociales, matérielles et formelles susmentionnées, ils ne pourront plus bénéficier du taux réduit de TVA de 6 %.
La suppression de ce régime favorable aura également un impact important sur la rentabilité des projets de logement urbain et, de cette manière, peut également causer des problèmes dans la mise en œuvre de la politique de logement prévue dans les 32 villes centrales concernées. La suppression du régime favorable freinera les investissements privés dans les projets de logement, ce qui aura un impact immédiat sur le développement urbain des villes-centres dans les années à venir.
C'est pourquoi on peut s'attendre à ce que plusieurs groupes d'intérêt veuillent soumettre la réglementation à un contrôle juridictionnel. Il va sans dire que l'issue de ces procédures pourrait avoir un impact sur l'élaboration concrète de la nouvelle réglementation.
3. Le régime précédent est prolongé par le régime transitoire
Comme indiqué ci-dessus, le nouveau régime entrera en vigueur le 1er janvier 2024. Cela soulève la question de savoir comment ce nouveau régime affectera les projets de construction déjà en cours.
A ce titre, le législateur prévoit un régime transitoire pour, d'une part, les projets qui pourraient bénéficier du taux réduit de TVA dans le cadre du régime temporaire (régime « résidence unique et propre » et régime « location sociale ») et, d'autre part, les projets qui pourraient en bénéficier sur base de l'ancien régime favorable dans les 32 villes-centres.
3.1. Mesure transitoire pour l'ancien régime temporaire
Cette mesure transitoire concerne la situation spécifique où un promoteur immobilier, une société clé en main ou un investisseur privé (en dehors d'une des 32 villes-centres) réalise un projet de démolition et de reconstruction, qui est ensuite vendu soit à une personne physique dans le cadre du régime « habitation propre et unique », soit à une personne physique ou morale dans le cadre du régime « location sociale ».
Dans le cadre de l'ancien régime temporaire, ces projets pouvaient bénéficier du taux réduit de TVA de 6 %.
Les projets actuels, qui en principe ne peuvent plus bénéficier du taux réduit de TVA sur la base des nouvelles règles, peuvent encore prétendre à ce taux réduit de TVA dans le cadre du régime transitoire à condition que :
- Avant le 1er juillet 2023, la demande d’urbanisme a été introduite et officiellement reçue ;
- Au plus tard le 31 décembre 2024, la TVA est devenue exigible.
Il est à noter qu'une approbation de la demande n'est donc pas nécessaire pour bénéficier de la mesure transitoire. La simple formulation de la demande d’urbanisme dans le délai imparti est suffisante.
3.2. Mesure transitoire pour le régime des « villes-centres à régime favorable »
Une mesure transitoire est également prévue pour les projets situés dans l'une des 32 villes-centres qui ne remplissent pas les conditions sociales, matérielles et formelles, à condition que :
- la demande d'urbanisme introduite et reçue officiellement avant le 1er janvier 2024 ;
- le taux de TVA favorable ne s'applique qu'à la TVA devenue exigible au plus tard le 31 décembre 2024.
4. Conclusion
Le législateur a choisi de supprimer les régimes de TVA existants à partir du 1er janvier 2024 (sous réserve de certaines mesures transitoires) et de les remplacer par un régime de TVA unique qui :
- s'applique à l'ensemble du territoire belge, et
- est soumis à certaines conditions sociales, matérielles et formelles.
Seuls les projets avec des constructeurs privés pourront encore relever du régime « habitation propre et unique par le propriétaire », tandis que le régime « location sociale » restera pratiquement inchangé.
Pour les projets qui étaient déjà en cours au 1er janvier 2024, un régime transitoire peut être appliqué jusqu'à la fin de l'année 2024, pour autant que les conditions soient remplies.
Ces changements auront sans aucun doute un impact sur le marché du logement (construction). Il n'est pas exclu que des groupes d'intérêt intentent d'autres actions en justice contre la nouvelle législation.
Si vous souhaitez obtenir plus d'informations ou une assistance de la part des spécialistes de Seeds of Law, n'hésitez pas à nous contacter au +32 (0)2 747 40 07 ou via info@seeds.law.