- Propriété Intellectuelle (IP) - Privacy
- Lynn Pype - Griet Verfaillie
- réseau Wifi , directive 2000/31/CE , mere conduit , service de la société d'information , fournisseur d’un réseau , mot de passe
Dans presque tous les espaces publics, un accès à un réseau WiFi est prévu. Il arrive donc de
temps en temps qu’un utilisateur d’un réseau WiFi commette une infraction aux droits de propriété
intellectuelle d’une tierce partie.
C’est le cas par exemple lorsqu’un utilisateur d’un réseau WiFi partage des films ou de la musique
via le réseau sans autorisation des titulaires de droits d’auteur.
Etant donné que dans la plupart des cas, il est pratiquement impossible d’identifier le
contrevenant, les titulaires de droits d’auteur essaient de tenir les fournisseurs du réseau WiFi
responsables de ces infractions afin d’obtenir néanmoins une indemnisation.
Le fournisseur d’un réseau WiFi accessible au public peut-il être tenu responsable d’infractions
commises par des tiers via ce réseau ?
La Cour de Justice européenne s’est prononcée sur cette question le 15 septembre 2016.
Un chef d’entreprise allemand avait monté un réseau sans-fil local qui était gratuitement et
anonymement accessible aux abords de son entreprise. Le réseau n’était pas sécurisé et servait donc
également à promouvoir son entreprise.
En septembre 2010, un utilisateur de ce réseau a mis illégalement de la musique à la disposition du
public.
En conséquence de quoi, le chef d’entreprise a été mis en demeure par Sony Music de respecter les
droits liés à cette musique.
Le chef d’entreprise a alors démarré une procédure devant le tribunal allemand afin d’obtenir une
déclaration négative, estimant notamment qu’il n’a pas commis d’infraction. Sony Music a intenté
une action sur reconvention, demandant au tribunal de déclarer le chef d’entreprise directement
responsable de la violation de ses droits sur la musique diffusée de manière illégale et d’obliger
le chef d’entreprise à cesser la diffusion. A titre subsidiaire, Sony Music a demandé que le chef
d’entreprise soit déclaré indirectement responsable pour avoir exploité un réseau non sécurisé,
permettant ainsi à des tiers de commettre des infractions.
Suite à cela, le tribunal allemand a posé un certain nombre de questions préjudicielles à la Cour
de Justice sur l’interprétation de l’article 12 de la Directive en matière de commerce électronique
(Directive 2000/31/CE).
L’article 12 de la Directive en matière de commerce électronique prévoit en effet
l’exonération de responsabilité lorsque le service de la société d’information fait office de «
simple transport » ou de « mere conduit ».
Sur la base de l’article 12 de la Directive en matière de commerce électronique, le prestataire de
services n’est pas responsable des informations qui sont transmises via le réseau, à condition que
le prestataire :
(i) ne soit pas à l’origine de la transmission;
(ii) ne sélectionne pas le destinataire de la transmission
et
(iii) ne sélectionne et ne modifie pas les informations faisant l’objet de la transmission.
La première question à laquelle la Cour de Justice devait répondre était si la mise à
disposition gratuite d’un réseau WiFi est considérée oui ou non comme un service de la société
d’information et relève donc oui ou non de l’application de la Directive.
La Cour y a répondu que l’accomplissement gratuit d’un service de nature économique n’exclut pas
l’application de la Directive. Lorsqu’un réseau WiFi est offert pour promouvoir les activités de
l’entreprise, il peut être question d’un service de la société d’information dans le sens de la
Directive.
La Cour a également confirmé que la seule fourniture d’accès à un réseau de communication est
qualifiée de ‘mere conduit’ ou de ‘simple transport’ dans le sens de l’article 12 de la Directive
en matière de commerce électronique. Selon la Cour, la fourniture d’accès à un réseau WiFi est un
procès technique, automatique et passif, raison pour laquelle le fournisseur du réseau peut faire
appel à l’exonération de la responsabilité.
Le fournisseur du réseau peut faire appel à l’exonération de la responsabilité mais doit néanmoins prendre quelques mesures pour protéger les droits de tiers
Cette exonération de responsabilité n’empêche toutefois pas qu’un fournisseur d’un réseau WiFi doive néanmoins prendre quelques mesures pour protéger les droits de tiers.
La Cour s’est ensuite prononcée sur l’espèce de mesures qui peuvent être imposées au fournisseur
d’un réseau.
La Cour observe aussitôt à cet égard que le fournisseur du réseau ne peut point être supposé
surveiller les informations communiquées. La Cour estime aussi qu’un blocage général de la
connexion internet est une mesure trop radicale.
Par contre, la Cour estime que la sécurisation d’un réseau WiFi avec un mot de passe est bien une
mesure raisonnable, les utilisateurs étant obligés de divulguer leur identité en échange du mot de
passe. Selon la Cour, cela sortit un effet suffisamment dissuasif et garantit les droits de
propriété intellectuelle des autres.
Si vous offrez gratuitement à vos travailleurs, vos clients ou aux personnes de votre entourage
un réseau WiFi au sein de votre entreprise, vous n’êtes, en principe, pas responsable d’infractions
aux droits de propriété intellectuelle commises par des tiers. En plus, le tribunal ne peut pas
vous imposer de surveiller ou bloquer le trafic par l’intermédiaire de votre réseau.
Si des infractions sont commises par l’intermédiaire du réseau, le tribunal peut vous obliger à
sécuriser votre réseau par un mot de passe, empêchant ainsi les utilisateurs de votre réseau de
naviguer anonymement.
La question se pose, évidemment, de savoir si cette mesure est bien efficace. Subordonner l’accès
à un réseau WiFi à la saisie de l’identité n’implique pas que le fournisseur d’un réseau WiFi doit
aussi contrôler l’identité de l’utilisateur.
En plus, une fois que l’identité des utilisateurs en question est connue, il est question du
traitement de données à caractère personnel et vous devez tenir compte du Règlement général sur la
protection des données du 14 avril 2016.
Lorsque vous décidez de demander l’identité des utilisateurs de votre réseau WiFi, vous feriez
mieux de subordonner l’accès à un réseau WiFi à l’accord avec les conditions générales
d’utilisation et avec la politique en matière de la vie privée.