- Lynn Pype
- RGPD , UE , protection adéquate , transfert d’informations personnelles entre l’UE et les Etats-Unis , Etats-Unis
Conformément à l’article 25 de la Directive sur la protection des données personnelles (95/46/CE), les données personnelles peuvent être transférées à un pays tiers
uniquement si celui-ci assure un niveau de protection adéquat. Cela est également prévu par
l'article 45 du Règlement sur la Protection des Données 2016/679 du 27 avril 2016 qui remplacera la Directive et entrera en vigueur à partir
du 25 mai 2018 dans tous les Etats Membres.
Selon la Cour européenne de Justice, un niveau de protection adéquat implique qu’un pays tiers doit
assurer un niveau de protection des libertés et droits fondamentaux essentiellement équivalent à
celui garanti au sein de l’Union par la Directive sur la protection des données personnelles et la
Charte des droits fondamentaux.
Etant donné que les Etats-Unis ne sont toujours pas considérés comme un pays qui assure une
protection adéquate, la Commission européenne a, de concert avec les Etats-Unis, cherché une
solution pour permettre un transfert sûr d’informations personnelles entre l’UE et les Etats-Unis.
Les dispositions du « Safe Harbor » se sont avérées insuffisantes et ne fournissaient pas une
protection adéquate. Le nouveau « Pricacy Shield » remplace les dispositions du « Safe
Harbor ».
Une solution pour permettre un transfert sûr d’informations personnelles entre l’UE et les Etats-Unis
Le « Privacy Shield » est basé sur un système d’autocertification par lequel les organisations
et entreprises américaines s’engagent à respecter une série de principes. Ces Principes devraient
protéger le transfert d’informations personnelles de l’autre côté de l’Atlantique. Pour assurer que
les principes soient respectés, le Département américain du Commerce a pris des engagements pour
assurer que le « Privacy Shield » fonctionne efficacement.
La protection offerte par le « Privacy Shield » s’applique à toutes les personnes concernées de
l’UE dont les donnés personnelles ont été transférées de l’UE à des organisations aux Etats-Unis
qui se sont autocertifiées. Plusieurs entreprises, dont Google Inc., ont déjà rejoint le « Privacy
Shield » . Sous ce Privacy Shield, toutes sortes de données peuvent être transférées, telles que
des données de clients, des données sensibles, des données HR, et autres.
Le « Privacy Shield » prévoit plusieurs principes qui doivent être respectés par les
responsables du traitement comme par les sous-traitants, dès qu’ils se sont autocertifiés. Les
principes en tant que tel ne sont pas nouveaux et existaient déjà dans les dispositions du « Safe
Harbor ». La différence est cependant que certains de ces principes ont été renforcés et devraient
fournir aux personnes concernées des protections plus adéquates.
Le Principe de Notification assure que les organisations soient obligées de
fournir des informations aux personnes concernées sur un nombre d’éléments fondamentaux concernant
le traitement de leurs informations personnelles. Bien que ce principe ne soit pas nouveau et
existait déjà dans le « Safe Harbor », il a été renforcé.
Le Principe de l'Intégrité des Données et de la Limitation des Finalités d’une
part et le Principe de Choix d’autre part n’ont pas vraiment été changés. Ils
impliquent que les données personnelles doivent être limitées à ce qui est pertinent pour la
finalité du traitement, et que les informations personnelles ne peuvent être conservées que pour
aussi longtemps qu’elles servent la finalité pour laquelle elles ont été collectées au départ. Le
Principe de Choix assure que les personnes concernées aient la possibilité de s’opposer ou de
refuser.
Le Principe de Sécurité oblige les organisations à prendre des mesures de sécurité
raisonnables et appropriées, tenant compte des risques encourus dans le traitement et de la nature
des données. A nouveau, les dispositions du « Safe Harbor » comprenaient également cette
obligation.
Selon le Principe d'Accès, les personnes concernées ont le droit d’obtenir
d’une organisation la confirmation que cette organisation traite des données personnelles liées à
eux. Les personnes concernées doivent pouvoir supprimer, modifier ou corriger des informations
personnelles au cas où elles sont incorrectes ou traitées en violation de ces Principes.
En outre, le Principe de Recours, d'Application et de Responsabilité exige que
les organisations ou entreprises fournissent des mécanismes solides pour garantir la conformité aux
principes ainsi que des voies de recours à la disposition des personnes concernées de l’UE dont les
données personnelles n’ont pas été traitées conformément aux principes. Les organisations doivent
également prendre des mesures pour vérifier si les principes sont respectées de façon effectif.
L’un des nouveaux principes est la Responsabilité en cas de Transfert Ultérieur.
Ce principe prévoit que tout transfert ultérieur peut avoir lieu à des fins limitées et
spécifiques, sur base d’un contrat, et seulement si ce contrat prévoit le même niveau de protection
que celui qui est garanti par les principes.
Selon le « Privacy Shield », les entreprises américaines devront autocertifier. La décision
d’autocertifier est volontaire, cependant, une fois qu’une entreprise s’engage à autocertifier, son
engagement est applicable en droit américain. Pour être autorisé à continuer à dépendre du
« Privacy Shield », l’entreprise devra recertifier annuellement sa participation au bouclier.
La Commission européenne considérait que, pour garantir une application correcte du « Privacy
Shield », les personnes concernées, les exportateurs de données ou les Autorités nationales
chargées de la Protection des Données devaient pouvoir identifier les entreprises ou organisations
qui se sont autocertifiées. En conséquence, le Département américain du Commerce a créé un site
internet, www.privacyshield.org, où la
liste « Privacy Shield » peut être consultée.
Les organisations qui manquent continuellement de se conformer aux Principes seront retirées de la
Liste « Privacy Shield » et devront renvoyer ou supprimer les données personnelles reçues sous le
« Privacy Shield ». Cela sera assuré par le Département américain du Commerce qui s’est engagé à
une obligation de surveillance.
De plus, le Département américain du Commerce ainsi que la Commission fédérale du commerce
américaine ou le Département des Transports rechercheront les fausses déclarations de participation
au « Privacy Shield » ou les usages abusifs de la marque de certification « Privacy Shield » et
prendront des mesures d’exécution.
Le « Privacy Shield » offre aux personnes concernées différentes possibilités d’exécuter leurs
droits. Une personne concernée peut choisir d’introduire une réclamation directement à
l’organisation ou à l’entreprise, à un organisme indépendant de règlement des litiges désigné par
cette organisation ou cette entreprise, à une Autorité nationale chargée de la Protection des
Données ou à la Commission fédérale du commerce américaine.
3.1 L’organisation autocertifiée doit fournir des mécanismes de recours
indépendants efficaces et rapidement disponibles par lesquels les réclamations individuelles
peuvent être examinées et traitées. La personne concernée peut introduire des réclamations auprès
de l’entreprise elle-même. L’entreprise ou l’organisation doit mettre en place un mécanisme de
recours efficace pour traiter de telles réclamations. Quand elle reçoit une réclamation d’une
personne concernée ou à la suite d’un renvoi par l’Autorité chargée de la Protection des Données ou
le Département américain du Commerce, l’entreprise a 45 jours pour donner une réponse. La réponse
doit contenir une appréciation du bien-fondé de la réclamation et des informations sur la manière
dont le problème sera rectifié.
3.2 En outre, une personne peut aussi introduire sa réclamation à un organisme indépendant
de règlement des litiges, désigné par une entreprise pour examiner et traiter
définitivement les réclamations. Cela doit être gratuit pour la personne en question.
3.3 Des réclamations peuvent aussi être introduites auprès des Autorités chargées de la
Protection des Données. Les entreprises sont obligées de coopérer avec les Autorités
chargées de la Protection des Données. L’Autorité chargée de la Protection des Données rendra un
avis après que les deux parties ont eu une possibilité raisonnable de formuler leurs observations
et de soumettre les éléments d'appréciation. Cet avis sera rendu, en règle générale, 60 jours
après la réception de la réclamation. L’entreprise a alors 25 jours pour se conformer. Si
l’entreprise ne réagit pas, l’Autorité chargée de la Protection des Données peut soumettre
l’affaire soit à la Commission fédérale du Commerce, soit au Département du Commerce.
3.4 Le « Privacy Shield » met l’arbitrage à disposition des personnes concernées,
pour les réclamations portant sur la violation par une organisation de ses obligations en vertu des
Principes.
Cependant, il faut noter que l’arbitrage est considéré comme un dernier recours au cas où aucun des
autres mécanismes disponibles n’a fonctionné. L’arbitrage sera effectué par le « Privacy Shield
Panel », et ce panel consistera en un groupe d’au moins 20 arbitres désignés par le Département du
Commerce et par la Commission européenne. Le « Privacy Shield Panel » devra imposer des mesures
d'équité personnalisées et non pécuniaires qui seront nécessaires pour remédier à la
non-conformité aux principes.
Le gouvernement américain a garanti que ses services de renseignement respecteront les
procédures établies en récoltant les données personnelles transférées sous le « Privacy Shield ».
La Commission européenne a évalué les limitations et protections disponibles en droit américain et
a décidé qu’elles étaient suffisantes pour que les données soient protégées de manière efficace
contre les interventions illicites et le risque d'abus.
A cet égard, le gouvernement américain a décidé de créer un Service de Médiation pour assurer que
les réclamations individuelles soient traitées et analysées.
Les critiques du « Privacy Shield » soutiennent que ces mécanismes de recours sont beaucoup trop compliqués pour être efficaces
D’une part, le « Privacy Shield » a renforcé les obligations qui doivent être respectées dans le
cadre d’un transfert UE-USA de données personnelles et d’autre part, le « Privacy Shield » prévoit
un nombre de mécanismes de recours en cas de non-conformité avec les principes.
Les principes en tant que tel ne sont pas innovateurs mais les mécanismes de recours différencient
le « Privacy Shield » des dispositions « Safe Harbor ». Cependant, les critiques du « Privacy
Shield » soutiennent que ces mécanismes de recours sont beaucoup trop compliqués pour être
efficaces. Si les principes ne peuvent pas être appliqués, le « Privacy Shield » n’a pas beaucoup
d’utilité.
Il reste donc à savoir si le « Privacy Shield » sera jugé conforme à la Directive sur la Protection
de la Vie privée (et désormais au Règlement sur la Protection des Données personnelles) lorsqu’il
sera contesté devant la Cour européenne de Justice. (Vous pouvez consulter les principaux
changements apportés par le Règlement sur la Protection des Données personnelles en
cliquant ici.)