Analyse
Est-il nécessaire que les administrateurs d’une société, ou les actionnaires se trouvent dans le
même lieu du siège social pour qu’ils puissent délibérer valablement ?
Ceci provoque souvent des problèmes pratiques puisque les actionnaires ne sont souvent pas réunis
dans le même pays où se trouve le siège social de la société. Pareillement pour les
administrateurs. Ceci n’est pas évident pour les administrateurs non plus. Ils sont, de surcroît,
obligés de délibérer aussi souvent que l’intérêt de la société l’exige.
Les alternatives, la réunion par écrit ou a délibération par les techniques modernes de
communication, sont-ils permis ?
Souvent les statuts prévoient la manière dont le conseil d’administration respectivement
l’assemblée générale peut se réunir valablement. Cependant, il faut tenir compte des dispositions
de la loi.
Le conseil d’administration se rassemble au lieu indiqué dans la convocation, sauf lorsque les
statuts le détermine autrement. Il est conseillé de tenir la réunion en Belgique à un endroit bien
accessible. En d’autres mots, le conseil d’administration est libre de se réunir où il veut.
Le principe de collégialité du conseil d’administration est prévu dans l’article 521 du Code des
sociétés (C. Soc.). Cependant, une telle concertation ne suppose pas que les administrateurs
doivent se trouver effectivement au même endroit. L’interaction simultanée entre tous les
participants est obligatoire, par exemple par vidéo ou téléconférence. Ceci est stimulé par le code
corporate governance nommé "Code Daems". En effet, le principe 2.8 de ce code prescrite
que le conseil d’administration se réunit avec une régularité suffisante pour exercer efficacement
ses obligations et stipule comme ligne de conduite : "la société envisage d’organiser, si
nécessaire, des réunions du conseil d’administration par des supports vidéo, téléphoniques ou
internet". Il est conseillé d’incorporer cette possibilité dans les statuts.
Dans des cas exceptionnels, l’article 521 § 2, C. Soc. prévoit la possibilité de prendre des
décisions par écrit. Ce scenario exige que deux conditions cumulatives soient remplies, à savoir
(i) la justification par l’urgence et l’intérêt de la société, et , (ii) les statuts doivent
autoriser explicitement les décisions par écrit dans ces cas exceptionnels. Lorsque ces conditions
sont remplies, des décisions peuvent être prises par consentement unanime des administrateurs,
exprimée par écrit. Des décisions qui ne peuvent pas être pris unanimement et par écrit, sont
souvent prises à la majorité simple.
En résumant, concernant les délibérations de conseil d’administration il existe depuis longtemps un
consensus que le Conseil d'administration peut se réunir sans présence physique dans le même
endroit.
Un même consensus n’existe pas encore concernant l’assemblée générale. Dans la lumière des
modernisations du droit des sociétés, quelques initiatives sont déjà prises avec pour but de
simplifier les délibérations de l’assemblée générale à distance.
D'abord, l’article 552 C. Soc. précise que l’assemblée annuelle (qui décide sur des comptes
annuels) est tenue à la commune et au jour et l’heure comme déterminé dans les statuts. Cette
disposition indique que l’assemblée a lieu physiquement.
D’ailleurs, conformément à l'article 536 C. Soc., la possibilité existe pour les actionnaires
de prendre à l’unanimité, et par écrit toutes les décisions qui relèvent du pouvoir de l’assemblée
générale, à l’exception de celles qui doivent être notulées par un acte authentique. Cet article
impose différentes restrictions. La première est claire, chaque décision qui demande l’intervention
d’un notaire oblige les actionnaires de se réunir physiquement, devant un notaire. Ensuite, la
notion "à l'unanimité" n’est pas définie dans la loi et manque alors une
interprétation exacte. En ce moment, il est assumé que les décisions par écrit sont possibles
lorsque toute actionnaire participe et qu’il n’y a pas de vote contre.
La loi envisage aussi que les statuts peuvent prévoir la possibilité de voter par correspondance.
Le bulletin de vote doit indiquer le sens d’un vote et la possibilité d’abstention. Dans l’avenir,
il sera également possible de voter à une assemblée générale de façon électronique.
Entre-temps, une nouvelle loi a été adoptée suite à laquelle les actionnaires pourront participer à
distance aux assemblées générales(Doc 53 421/(2010/2011, projet de loi concernant l'exercice de
certains droits des actionnaires de sociétés cotées, adopté en séance par la Chambre, mais non
révoqué par le Senat). Cette loi est la transposition de la directive 2007/36/EC concernant
certains droits des actionnaires de sociétés cotées. Dès l'entrée en vigueur de cette loi, une
disposition statutaire pourra, en vertu de l’article 538bis nouveaux du Code Sociétés, autoriser
les actionnaires à participer à l’assemblée générale grâce à un moyen de communication électronique
mis à disposition par la société. Cela fera l’objet d’une décision de l’assemblée générale des
actionnaires qui déterminera également les modalités suivant lesquelles la qualité d’actionnaire et
l’identité de la personne désireuse de participer à l’assemblée sont contrôlées, les conditions
visant à garantir la sécurité de la communication électronique ainsi que les modalités suivant
lesquelles il est constaté qu’un actionnaire participe à l’assemblée générale grâce au moyen de
communication électronique. De manière générale, on entend laisser aux sociétés une grande liberté
statutaire pour organiser ce mode de participation à l’assemblée, afin qu’elles puissent retenir
les solutions les plus adaptées à leur situation et tenir compte des évolutions technologiques en
la matière. La participation à distance à une assemblée générale est assimilée à la participation à
la réunion physique. Il est expressément stipulé que les actionnaires qui participent de cette
manière à l’assemblée générale sont réputés présent à l’endroit où se tient l’assemblée générale
pour le respect des conditions de présence et de majorité. A noter que ce mode de participation ne
vient pas se substituer à l’obligation de tenir une réunion physique des actionnaires au lieu
désigné par les statuts. Les membres du bureau de l’assemblée, les administrateurs et les
commissaires doivent être physiquement présents au lieu de l’assemblée.
La philosophie derrière la Directive était claire. Elle a pour objet de favoriser et de faciliter
l’exercice du droit de vote des actionnaires de sociétés quel que soit le lieu de résidence de
l’actionnaire. L’actionnaire ne résidant pas dans le même Etat membre que celui dont relève la
société, doit pouvoir exercer son droit de vote aussi aisément qu’un résident de l’Etat membre en
question. Le droit de vote est également le moyen par excellence par lequel l’actionnaire peut
exercer un contrôle sur le fonctionnement de la société et ainsi contribuer à une gouvernance
d’entreprise.
Dès que les modifications législatives entrerons en vigueur, beaucoup de sociétés, y compris les
sociétés non côtées, devront adapter leurs statuts pour faire fonctionner la société plus efficace
et pratique, permettant ainsi les associés de délibérer valablement à distance moyennant
l’utilisation des techniques communicatives modernes. La législation permettra de tenir des
assemblées à distance, même avec l'intervention d'un notaire, à un acte authentique.