- Droit Commercial et Economique
- Mathieu Maniet - Leo Peeters
- sûretés , gage sans possession , registre national des gages , fiducie-sûreté , droit de rétention , mobilière
Cette dernière loi introduit le nouveau titre XVII dans le Code Civil (ci-après « C.C. »),
intitulé « sûretés réelles mobilières » (ci-après la « Loi sur les sûretés mobilières » ou la « Loi
»). Au moyen de cette loi, le législateur instaure un droit de gage uniforme : ainsi, entre autres
le gage sur fonds de commerce et le privilège agricole sont abrogés.
Au lieu de cela, un droit de gage sans possession sur biens mobiliers devient possible. Ces
réformes visent à faire mieux correspondre le droit de gage aux les besoins économiques de la
pratique, à le rendre plus attrayant et à permettre une simplification du régime à présent plutôt
complexe en matière de sûretés mobilières.
Ci-dessous, vous trouverez une synthèse succincte et pratique des principaux éléments du nouveau
règlement pour sûretés réelles mobilières.
La nouveauté la plus importante de la réforme qui s’annonce est sans aucun doute l’abrogation de l’exigence de la dépossession du bien mis en gage comme élément constitutif de la constitution de gage.
Abrogation de l’exigence de la dépossession du bien mis en gage comme élément constitutif de la constitution de gage
La Loi sur les sûretés réelles confirme à présent que le droit de gage naît par la convention
entre le constituant du gage et le détenteur du gage, sauf dans le cas où le constituant du gage
est un consommateur. Dans pareil cas, un écrit demeure requis pour créer un gage valable. Le
constituant du gage-débiteur conserve donc les biens et peut continuer à les utiliser pour y puiser
des revenus.
Il convient de relever à cet égard, par souci de complétude, qu’outre le gage sans possession, la
possibilité d’un gage « classique » (avec dépossession) est maintenue.
Tous les biens meubles peuvent être donnés en gage, tant les biens corporels que les biens incorporels, ainsi qu’un ensemble de pareils biens (par exemple le fonds de commerce). Les biens futurs peuvent eux aussi faire l’objet d’un droit de gage. En plus, un gage peut tenir lieu de sûreté de créances actuelles et futures si ces dernières sont déterminées ou déterminables.
Comme le gage n’exige plus nécessairement une dépossession, le gage (sans possession) devra (dorénavant) être enregistré dans un registre national des gages qui sera géré par le service des hypothèques de l’administration générale de la documentation patrimoniale du Service Public Fédéral Finances. Le nouveau droit de gage est opposable à des tiers et prend rang à partir du moment de l’inscription dans le registre national des gages. Le registre des gages adoptera la forme d’une banque de données informatisée qui sera disponible et pourra être consultée en ligne. L’enregistrement du gage, qui est valable pour un délai renouvelable de maximum 10 ans, exige la mention d’une série de données fixées par la loi.
Comme déjà indiqué plus haut, la possibilité d’un gage « classique» avec dépossession
demeure possible. Dans pareil cas, la dépossession demeure un mode de travail possible pour
réaliser l’opposabilité à des tiers. A l’avenir, on pourra donc choisir entre le gage avec
dépossession ou le gage sans possession.
La pratique de financement bancaire a fait naître la nécessité de pouvoir garder une sûreté
pour le compte d’un autre (généralement un groupe de donneurs de crédit), par laquelle les
bénéficiaires sont valablement représentés, vis-à-vis du constituant du gage, par une seule
partie dite « l’agent de garantie ». La figure de l’agent de garantie a déjà été instaurée
dans le droit belge via la loi sur les sûretés financières, mais uniquement pour les
conventions de sûreté réelle à l’intérieur du champ d’application de la Loi sur les sûretés
financières. La loi sur les sûretés mobilières confirme maintenant de manière générale que les
conventions de gage concernant des biens meubles qui sont conclues par un représentant pour le
compte d’un ou plusieurs bénéficiaires sont valables et opposables à des tiers lorsque
l’identité des bénéficiaires peut être constatée à l’aide de la convention de gage. Ce
représentant peut exercer tous les droits qui reviennent normalement au détenteur du gage et
sera, sauf convention dérogatoire, solidairement responsable avec les bénéficiaires. Le
parallèle avec la Loi sur les sûretés mobilières est clair.
L’éviction de droits de gage est fort simplifiée lorsqu'il s'agit de constituants de
gage qui ne sont pas consommateur. En cas de non-paiement par le débiteur, il devient
possible, pour le créancier gagiste, de disposer du bien grevé moyennant la notification
préalable de l’intention d’éviction. Cette notification fait courir un délai d’attente de dix
jours en principe.
L’éviction doit toujours être réalisée de bonne foi et d’une manière économiquement justifiée.
L’intervention préalable du juge des saisies compétent est possible sur requête du détenteur du
gage, du constituant du gage ou d’un tiers intéressé. En plus, il y a également la possibilité
de contrôle a posteriori par le juge des modalités de réalisation de l’éviction et de
l’affectation du produit. Enfin, la Loi sur les sûretés mobilières prévoit également la
possibilité d’appropriation des biens par le détenteur du gage moyennant l’accord entre les
parties.
Si le constituant du gage est un consommateur, les règles sont plus strictes. En cas de
non-paiement par le constituant du gage-consommateur, le détenteur du gage ne peut pas disposer
sans plus du gage ; une intervention du juge est nécessaire. Pour les
consommateurs-constituants de gage, la valeur du bien mis en gage ne doit pas être supérieure
au double de la créance garantie.
La réforme du droit de gage est complétée de dispositions nouvelles en matière de « réserve
de propriété » et de « droit de rétention ». La réserve de propriété, pour laquelle, jusqu’à
présent, seul un règlement légal était prévu dans le droit de la faillite et qui, dès lors,
était seulement opposable en cas de faillite, est transférée au Code Civil. De ce fait, la
réserve de propriété devient une sûreté à part entière qui est opposable dans tous les cas de
concours et donc non seulement en cas de faillite. Outre cela, un règlement général légal est
prévu à présent en matière du droit de rétention, ce qui n’était pas le cas avant. Les mêmes
conséquences sont liées au droit de rétention qu’au droit de gage.
Ainsi qu’il a déjà été dit ci-avant, le moment précis d’entrée en vigueur de la Loi sur les
sûretés mobilières est encore incertain. Cette loi entrera en vigueur à une date restant à
fixer par Arrêté Royal, mais au plus tard le 1ier décembre 2014.
En ce qui concerne l’entrée en vigueur et les dispositions transitoires, il est renvoyé, pour
plus d’explications, à notre article paru précédemment qui peut être consulté en
cliquant ici.