Analyse
La loi concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales a été
récemment modifiée par la loi du 22 novembre 2013, résultant de la transposition de la directive
2011/7/EU par le législateur belge. La nouvelle loi est entrée en vigueur le 16 mars 2013.
Cette loi garantit depuis quelques années les droits des entreprises contre leurs mauvais
payeurs.
La loi modifiée poursuit principalement la clarification de certaines imperfections de l’ancienne
loi. Elle impose des règles plus sévères en cas de retard de paiement lorsque le débiteur est un
pouvoir public.
Les modifications concernent principalement l’introduction d’une indemnité forfaitaire pour les
frais de recouvrement, un rehaussement du taux de l’intérêt légal, une délimitation explicite des
délais de paiement et des règles plus sévères en ce qui concerne les délais de paiement lors des
transactions commerciales entre entreprises et pouvoirs publiques (ou une institution publique).
1. Délais de paiement
Désormais le législateur fait une différence entre les transactions commerciales entre
entreprises, d’une part, et celles entre des entreprises et des pouvoirs publics, où le débiteur
est un pouvoir public, d’autre part.
Tout comme l'ancienne loi, la nouvelle loi prévoit un délai de paiement de 30
jours entre entreprises à partir du jour de la réception de la facture, d’une
demande de paiement équivalente ou de la réception des marchandises ou de la prestation des
services.
Il est autorisé aux entreprises de déroger aux délais de paiement de façon conventionnelle.
Néanmoins, si la clause contractuelle crée un déséquilibre manifeste entre les droits et
obligations des parties au détriment du créancier, le caractère manifestement abusif de la clause
peut être soumise à l'appréciation du juge.
Concernant les transactions commerciales entre entreprises et pouvoirs publics, où
le pouvoir public est débiteur, les possibilités de déroger au délai de paiement légal sont plus
restreintes et plus sévères.
Le délai de paiement légal s’élève également à 30 jours. Les parties peuvent déroger au délai de
paiement légal pour autant que ce délai n’excède pas le délai de 60 jours et qu'il soit
expressément convenu entre les parties.
Si les parties n’ont pas prévu de délai de paiement contractuel, le délai s’élève à 30
jours. Toutefois, une exception est faite pour les services de pouvoir public qui dispensent des
soins de santé, pour lesquels le délai légal de paiement est de 60 jours.
En outre, la loi prévoit des procédures d'acceptation et de vérification permettant de
certifier la conformité des marchandises ou des services avec le contrat. Une telle procédure ne
peut excéder le délai de 30 jours civils après la date de réception des marchandises ou des
services, à moins qu'il ne soit expressément stipulé autrement par contrat et dans les
documents de marché et pourvu que cela ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du
créancier.
Cette stipulation nuancée dérive de la directive mentionnée, et vise surtout des contrats complexes
conclus entre les parties.
Il est important de noter que la loi modifiée sert de cadre général entre entreprises et pouvoirs
publics pour les transactions qui n’entrent pas dans le champ d’application spécifique de la
réglementation relative aux marchés publics sur le plan des règles d'exécution générales.
2. Intérêt de retard et indemnisation
L’ancienne loi permettait de convenir de façon contractuelle les intérêts et l'indemnisation
qu'il fallait appliquer. Globalement, ces intérêts et indemnités étaient prévus dans les
conditions générales du créancier. De ce fait, la loi concernant la lutte contre le retard de
paiement dans les transactions commerciales n'était appliquée par la jurisprudence que si les
parties n'avaient rien prévu dans ce cadre.
Actuellement les intérêts de référence ont été augmenté de 1 %, soit 8 % au-dessus du taux
d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne.
Suite à la nouvelle loi, le fait de convenir d'un intérêt conventionnel est uniquement autorisé
entre entreprises mais pas entre entreprises et pouvoirs publics. Pour ces derniers l’intérêt légal
prévu par la loi concernant la lutte contre le retard de paiement est d'application, nonobstant
toute convention contraire des parties.
Bien que la loi du 22 novembre 2013 n'a été publiée au Moniteur Belge que le 10 décembre 2013,
elle est d'application à partir du 16 mars 2013. En pratique, cela signifie que l'intérêt
majoré est également d'application sur les transactions commerciales qui étaient conclues ou
étaient déjà de vigueur à ce moment-là.
Le taux d'intérêt applicable, en cas de retard de paiement dans les transactions
commerciales, en exécution des contrats conclus avant le 16 mars 2013, s'élève à :
- 8 % pour le 1er semestre 2013
- 7,50 % pour le 2ième semestre 2013
- 7,50 % pour le 1er semestre 2014
Le taux d'intérêt applicable, en cas de retard de paiement dans les transactions
commerciales, en exécution des contrats conclus, renouvelés ou prolongés à partir du 16 mars 2013,
s'élève à :
- 9 % du 16 mars au 30 juin 2013
- 8,50 % pour le 2ième semestre 2013
- 8,50 % pour le 1er semestre 2014
Le taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne est de 0,75 % jusqu'au 30 juin
2013, de 0,50 % à partir du 1 juillet 2013, et de 0,25 % à partir du 1 janvier 2014.
3. Les frais de recouvrement
Dorénavant, en cas de paiement tardif, le créancier a droit, de plein droit et sans mise en
demeure, à une indemnité forfaitaire de 40 euros pour les frais de recouvrement, indépendamment de
la somme principale.
Le forfait légal n’empêche pas le créancier de demander d'autres indemnités contractuelles,
pour autant qu’elles ne soient pas inéquitables.
Outre les intérêts et ce montant d'indemnité forfaitaire, le créancier a également droit à «
une indemnité raisonnable pour tous les autres frais de recouvrement occasionnés ». La loi ne
précise pas le montant de cette indemnité mais affirme que l’indemnité de procédure ressort sous
cette loi.
4. Clause abusive
La notion de « clause abusive », qui est également mentionnée dans l’ancienne loi, a été
clarifiée par la nouvelle loi. Ainsi les clauses contractuelles, qui excluent le paiement des
intérêts ou des frais de recouvrement, seront considérées comme abusives.
Le caractère abusif d’une clause contractuelle peut être constaté par un juge et la clause soumise
à une révision.
5. Conclusion
Par la transposition de la directive européenne, le législateur a essayé de renforcer la
compétitivité et la situation financière des entreprises en créant un climat plus favorable
concernant les paiements.
La nouvelle loi constitue certainement un avantage pour les entreprises belges qui obtiennent des
instruments juridiques additionnels contre leurs débiteurs et surtout dans les situations où le
débiteur concerné est un pouvoir public (ou une autorité publique). Dans le passé, le fait
d'avoir une créance envers un pouvoir public était souvent problématique.
Néanmoins, ces améliorations ne sont que les conséquences directes du travail législatif du
législateur européen. La nouvelle loi offre toujours plusieurs possibilités (« échappatoires ») de
reporter le paiement.
En outre, la loi contient plusieurs notions, qui sont susceptibles à d’interprétations différentes,
ce qui causera toujours une insécurité juridique.